Les usagers des transports en commun de la région de Montréal paient-ils assez cher?

> En graphique: Financement du transport en commun

Dans un mémoire présenté la semaine dernière lors des consultations publiques sur le financement des transports collectifs de la Communauté métropolitaine de Montréal, un groupe d'universitaires a proposé de hausser considérablement les tarifs aux usagers pour améliorer la qualité et l'efficacité des services.

L'Observatoire sur la mobilité durable, groupe de recherche affilié à l'Institut d'urbanisme de l'Université de Montréal, recommande ainsi que la contribution des usagers soit augmentée jusqu'à ce qu'elle atteigne 50% des coûts des services de transports en commun.

À l'heure actuelle, la contribution des usagers représente de 27% à 47% des coûts annuels des services offerts à Montréal et en banlieue (voir graphique).

Selon Jean-Philippe Meloche, professeur associé à l'Institut, cette augmentation tarifaire assurerait des revenus additionnels de 300 millions par année à l'horizon 2020.

Concrètement, dans la banlieue nord, il faudrait augmenter de plus de 60% les tarifs, qui ne couvrent actuellement que 31% du coût des services d'autobus.

Les usagers de la Société de transport de Laval, dont la contribution couvre actuellement 27% des coûts des services, verraient doubler les tarifs.

Mais pour la grande majorité des usagers, qui utilisent les services de la Société de transport de Montréal (STM), «l'augmentation serait d'environ 20%, estime-t-il. En l'étalant sur cinq ans, et en tenant compte de l'inflation, on obtiendrait des hausses annuelles de 6 ou 7% pendant cinq années consécutives».

«Une approche doctrinaire»

Dans une entrevue à La Presse hier, le directeur général de Transports 2000 Québec, Normand Parisien, a qualifié de «doctrinaire» l'approche préconisée dans ce mémoire, parce qu'elle «réduit l'usage des transports en commun à un service commercial» dont la disponibilité et le coût seraient soumis aux aléas de l'offre et de la demande.

Cette «approche microéconomique», déplore-t-il, occulte totalement la dimension «sociale» des réseaux de transports en commun qui est très présente à Montréal. «On dirait que c'est tabou et qu'il ne faut jamais en parler, mais il reste que Montréal est une des grandes villes les plus pauvres de l'Amérique du Nord.»

Le directeur de la plus importante association d'usagers des transports en commun du Québec estime aussi que des tendances fortes dans l'évolution récente de la clientèle laissent supposer une chute de la fréquentation s'il y avait une augmentation marquée des tarifs.

M. Parisien cite les résultats d'une étude d'Impact Recherche menée à la demande du ministère des Transports du Québec (MTQ) et présentée à Transports 2000 Québec lors de consultations statutaires récentes du MTQ sur son prochain plan quinquennal.

«La plus importante augmentation de la clientèle provient des étudiants, qui paient demi-tarif, dit M. Parisien. La part des étudiants qui préfèrent les transports collectifs a grimpé de 50% à 61% dans les dernières années.»

Par contre, dit-il, «pour se rendre au travail, les gens le font encore, dans 80% des cas, en automobile. Une hausse des tarifs ne les incitera sûrement pas à se tourner vers le métro et les autobus».

Péages pour automobilistes

Tout en rejetant le qualificatif de «doctrinaire», le professeur Jean-Philippe Meloche reconnaît qu'une hausse des tarifs n'est pas une mesure qui incite les gens à préférer le métro ou les autobus à l'automobile.

Un péage routier, en revanche, pourrait bien l'être.

«Une hausse de tarifs de cette dimension, se défend le chercheur, est impensable si on n'impose pas, en même temps, des péages routiers, pour que les automobilistes paient, eux aussi, leur juste part des vrais coûts de transport.»

«On ne peut pas isoler les différents éléments qui composent la circulation, affirme-t-il. Et notre approche, ce n'est pas de faire payer en particulier les usagers des transports en commun. C'est de tarifer équitablement tous les modes de déplacement.»

Le modèle proposé par l'Observatoire prévoit ainsi que les automobilistes seraient triplement sollicités, par le péage, par une tarification serrée du stationnement et par le maintien d'une taxe «relativement élevée» sur l'essence.