Déboutée trois fois par les tribunaux, la communauté juive hassidique de Boisbriand contre-attaque. Dans une poursuite déposée récemment en Cour supérieure, elle exige que la Ville, à qui elle doit 1,3 million en taxe d'eau impayée depuis 2005, installe des compteurs d'eau individuels.

La demande est jugée «inacceptable» et «déraisonnable» par la mairesse Marlene Cordato. «Il ne peut pas y avoir deux poids, deux mesures: la loi exige que chaque citoyen paie sa taxe d'eau, déclare-t-elle en entrevue. Il est inadmissible que, en plus, nous soyons poursuivis. C'en est trop.»

Les frictions entre la Ville et sa communauté hassidique, qui s'est installée dans la partie ouest de son territoire dans les années 60, sont nombreuses et ne datent pas d'hier. Chaque année, le paiement de l'impôt foncier donne lieu à des poursuites et à des menaces de saisies, généralement réglées à l'amiable. Avec près de 3000 résidants, la communauté a littéralement recréé une petite ville, avec son propre réseau d'eau, ses écoles et ses rues. C'est Boisbriand, cependant, qui lui fournit son eau potable depuis le début, une entente officialisée par écrit en 1990. Le document a été signé avec six entités représentant les hassidim, dont la plus importante est la communauté Oir Hachaim.

À cette époque, un seul compteur d'eau permettait de calculer la consommation de toute la communauté hassidique. Après 1990, 187 compteurs individuels sont venus s'ajouter, dont la consommation est déduite de la facture globale envoyée à la communauté. C'est le paiement de cette facture, en souffrance depuis sept ans, que réclame Boisbriand. La Ville a gagné trois fois, de mars 2010 à avril 2011, devant les tribunaux.

«Nous avons dépensé des centaines de milliers de dollars dans ce dossier, et ce n'est pas par choix», précise la mairesse Cordato, qui se dit consciente de l'aspect délicat de cet affrontement. «On s'assure que nos interventions ne soient pas liées à la religion, on n'embarque pas dans ce débat-là. Nous, on applique la loi.»

Une entente caduque

La communauté hassidique soutient notamment que les six entités qui ont signé l'entente il y a plus de deux décennies ont connu de nombreux changements de structure. Dans sa décision rendue le 28 avril 2011, le juge note «la complexité du réseau de corporations et d'organismes qui se font et se défont», et les «recherches sans fin que cela pourrait occasionner à la Ville». Il estime cependant que la communauté a des obligations solidaires et indivisibles d'acquitter ses factures de taxes d'eau et donne raison à Boisbriand.

Cette interprétation est contestée par la communauté, qui exige le retrait du compteur d'eau principal et l'installation de compteurs individuels. Dans la poursuite déposée en Cour supérieure le 21 mars dernier, les six entités - sans Oir Hachaim, cette fois - font valoir qu'elles considèrent l'entente de 1990 comme caduque, notamment parce qu'elles ne possèdent plus qu'une partie des immeubles de la communauté. La Ville réplique qu'il s'agit d'un réseau d'eau privé et que c'est aux membres de la communauté de payer pour l'installation des compteurs d'eau.

Il a été impossible de parler à un porte-parole des hassidim.