Pour les habitués, c'est la fin d'une époque: au terme d'un feuilleton judiciaire de plus de sept ans qui a mobilisé policiers, avocats et inspecteurs municipaux, la Ville de Montréal a atteint son objectif de faire cesser l'exploitation de l'érotisme en zone interdite par le restaurant de «serveuses nues» Les Princesses, rue Hochelaga.

Le restaurant, qui fonctionnait au ralenti depuis des années en raison de ses démêlés judiciaires, a repris ses activités normales au cours des dernières semaines, en recommençant à servir alcool et repas à sa clientèle près du Stade olympique.

Alors que sa réputation s'était bâtie autour du concept de «serveuses sexy» nues, ce sont maintenant des employées un peu plus vêtues qui accueillent les clients.

«Elles portent une petite jupe au lobe de la fesse et un petit blouson. Quand elles ne sont pas penchées, on ne voit pas les seins ni les fesses», résume Raynald Morissette, un des propriétaires, soulagé d'avoir trouvé un compromis acceptable tant pour sa clientèle majoritairement masculine que pour la Ville.

Guérilla judiciaire

Le litige durait depuis 2004. Des inspecteurs municipaux et des policiers ont constitué d'épais dossiers contre le restaurant et les diverses façons dont il exploitait l'érotisme: serveuses nues, affiches, films pornos présentés sur des téléviseurs.

L'affaire s'est transformée en guérilla judiciaire, avec une série de recours devant les tribunaux qui ont presque acculé le restaurant à la faillite.

La Régie des alcools a révoqué le permis d'alcool de l'établissement. La Ville de Montréal l'a ensuite traîné en cour pour infraction au règlement d'urbanisme de Montréal. Celui-ci interdit l'exploitation de l'érotisme à l'extérieur de certaines zones désignées. Le quartier du restaurant, près de la station de métro Viau, ne fait pas partie de ces zones.

Le maire de l'arrondissement, Réal Ménard, craignait alors un «effet de contagion» qui aurait encouragé la métamorphose de plusieurs restaurants du quartier en véritables bars de danseuses.

La Cour municipale a initialement donné raison aux propriétaires du restaurant, qui prétendaient exploiter un restaurant comme les autres où la nudité était seulement «accessoire». Mais la Cour supérieure a infirmé cette décision en 2010 et décrété que l'établissement était en infraction, l'érotisme faisant partie de sa vocation première.

Les tenanciers ont finalement lâché du lest.

«Le propriétaire de l'établissement a apporté certains correctifs, ce qui a eu pour effet de régulariser la situation de son commerce», confirme Gonzalo Nunez, porte-parole de la Ville.

Les clients ne se formalisent pas des changements, selon Raynald Morissette.

«Il n'y en a pas un qui s'est plaint que c'était mieux avant. Ils sont sur le qui-vive, ils se demandent ce qu'ils vont voir ou pas. Même que mon chiffre d'affaires a augmenté!», s'exclame-t-il.