Après les poutres de rive et les têtes de piliers, voilà que la dalle du pont Champlain montre des signes de faiblesse. La Société des ponts devra encore renforcer le «squelette» d'acier autour de la structure pour en assurer la sécurité d'ici sa démolition prévue dans 10 ans.

«Jusqu'à récemment, la dalle se comportait bien en comparaison avec les poutres de rive avec lesquelles on a des problèmes depuis 1986. Mais on voit maintenant des signes de corrosion», a indiqué Guy Mailhot, directeur principal de l'ingénierie pour la Société des ponts.

Cette nouvelle faiblesse semble elle aussi due à la conception du pont. Plutôt que de reposer sur les poutres, la dalle de béton a été coulée entre les poutres. Le tout tient «en sandwich» par une cinquantaine de câbles posés entre chaque travée, explique l'ingénieur Mailhot. Or, les plus récentes inspections et un bombement du tablier démontrent un affaiblissement.

Câbles d'acier

Pour corriger le tout, les ingénieurs de la Société des ponts songent à faire passer des câbles d'acier à travers les poutres pour solidifier la dalle sur sa largeur. La conception de ce dispositif sera testée en 2012 et le tout devrait être implanté à partir de 2013.

Cette solution rappelle l'ajout des câbles d'acier sur les poutres de rive renforcées ces dernières années. Un dispositif de câbles «en arbalète», bien visible des abords du pont, a également été ajouté pour renforcer ces mêmes poutres. Les têtes des piliers du pont, appelées chevêtres dans le jargon des ingénieurs, ont aussi dû être solidifiées grâce à des câbles.

Les problèmes du pont Champlain sont directement liés à sa conception, explique Guy Mailhot. À l'époque, les ingénieurs s'étaient inspirés d'une nouvelle technologie venue d'Europe, mais n'avaient pas prévu l'impact du sel de déglaçage sur la solidité du pont. «Le sel est dans le béton et ce n'est pas possible de l'en sortir. On est en train de créer un squelette à l'extérieur pour pallier les dommages à l'intérieur. C'est un ouvrage qui vieillit mal. Le sel, c'est comme un cancer», a indiqué Guy Mailhot.

«Encore très sécuritaire»

Malgré ces faiblesses, la Société des ponts assure que «le pont est encore très sécuritaire». «Si jamais on avait un doute sur la sécurité, on prendrait des mesures. On fermerait une voie, deux voies ou le pont au complet. S'il est ouvert, c'est un témoignage de notre confiance», a indiqué Glen Carlin, directeur général.

Ce dernier assure que le pont Champlain est suivi de très près. De 300 000$ à 400 000$ sont dépensés chaque année en inspections. Depuis 2006, une soixantaine de capteurs ont été ajoutés pour mesurer 24 heures sur 24 le comportement de la structure.

Pour rassurer la population sur l'état du pont, les responsables comptent dorénavant tenir deux conférences de presse par année pour présenter la liste des travaux à venir et un bilan des travaux réalisés.

Fermetures en 2012

La Société des ponts poursuivra par ailleurs en 2012 les travaux pour assurer la solidité du pont Champlain d'ici sa démolition. On prévoit y investir 34 millions l'an prochain, soit autant qu'en 2011.

La structure reliant Brossard au centre-ville de Montréal devra être fermée durant au moins huit fins de semaine. Probablement plus, a indiqué Glen Carlin.

Ces fermetures sont nécessaires pour permettre le remplacement des joints de dilatation entre les travées. La Société a recensé 195 bris depuis 2000, des bris de plus en plus fréquents. Même s'ils ne sont pas essentiels à la solidité du pont, les joints doivent tous être remplacés puisque, brisés, ils posent un haut risque de crevaison et menacent donc la fluidité de la circulation.

Le pont Champlain est l'un des plus importants au Canada, permettant à 160 000 véhicules de traverser le fleuve chaque jour, dont 14 400 camions. Tous les matins, pas moins de 400 autobus transportent 20 000 personnes de la Rive-Sud à Montréal.