L'enquête de la Sûreté du Québec sur les dépassements des coûts de construction du Centre communautaire (CCI) d'Outremont par la firme Dessau est au point mort, a appris La Presse.

Le projet lancé par l'ex-maire d'Union Montréal Stéphane Harbour et piloté par Dessau-Soprin devait initialement coûter 6,6 millions de dollars. Au bout du compte, la facture épongée par les contribuables montréalais s'est élevée à près de 12 millions. Le double.

L'enquête policière sur ce fiasco s'est amorcée en octobre 2007. Une perquisition a eu lieu à l'hôtel de ville d'Outremont en 2009. Mais depuis, aucune nouvelle. «Le dossier n'est pas clos, mais les éléments que l'on possède à ce jour ne permettent plus à nos enquêteurs du Service des enquêtes sur l'intégrité financière de progresser davantage», explique le lieutenant Guy Lapointe, des enquêtes criminelles de la SQ.

Pourtant, le feuilleton du CCI a fait couler beaucoup d'encre avant même son inauguration, en 2006. Et en décembre 2008, la firme KPMG a relevé plusieurs anomalies et faits troublants dans la façon dont ce dossier a été géré par l'administration de Stéphane Harbour. Il est noté que le maire de l'époque et son directeur d'arrondissement, Yves Mailhot, ont «fait en sorte qu'un écran s'installe entre le conseil d'arrondissement et les intervenants impliqués dans la réalisation et le financement du projet».

De plus, toujours selon KPMG, «les informations sur les coûts totaux du projet ainsi que les échéanciers étaient épurés [...], ce qui donnait une vision tronquée de la réalité au conseil d'arrondissement».

L'ex-maire arrêté

KPMG a passé le dossier du CCI au crible à la demande du contentieux de la Ville de Montréal, à laquelle Dessau Soprin réclamait 2,8 millions de dollars, à ajouter aux quelque 10 millions qui lui avaient déjà été payés. Cette réclamation s'est réglée à l'amiable pour une somme de 720 000$ plus taxes, et ce, malgré le fait que la police enquêtait sur ces dépassements de coûts.

Pour la petite histoire, le toit de l'aréna, intégré au CCI, s'est mis à fuir un an après l'inauguration du bâtiment.

L'ex-maire Stéphane Harbour a démissionné en octobre 2007. Il a été arrêté par les policiers de l'opération Marteau en avril 2010, tout comme son attaché politique, Jean-Claude Patenaude, et Yves Maillot, alors directeur général de l'arrondissement. Ils ont été accusés de fraude, de fabrication de faux documents et d'abus de confiance; 32 chefs d'accusation ont été déposés.

Il faut préciser que ces accusations sont liées à une autre enquête de la SQ portant essentiellement sur des notes de frais gonflées, mais pas sur le scandale du CCI. Les policiers avaient agi à la suite d'une plainte déposée en 2007 par la conseillère Noushig Eloyan, alors chef de l'opposition officielle.

Appel à la population

Aujourd'hui, les enquêteurs de la Sûreté du Québec souhaitent que d'autres langues se délient pour relancer le dossier du CCI. «Nous sollicitons l'aide du public [qui peut téléphoner au 1-800-659-4264], indique le lieutenant Lapointe. Le moindre détail qui peut paraître anodin sera peut-être le morceau manquant pour terminer le casse-tête.»

Selon le policier, Marteau pourrait prendre le dossier en main si de nouveaux éléments permettent d'orienter l'enquête vers des accusations potentielles d'abus de confiance et de corruption.