L'an prochain, le citoyen habitant l'arrondissement du Sud-Ouest recevra en moyenne 719$ en «dotation» de la Ville de Montréal. Celui de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce (CDN-NDG)? À peine 414$.

Dans ce dernier arrondissement, on dispose de 3 employés municipaux pour desservir 1000 habitants. Dans Lachine, c'est plus du double, soit 6,2 employés.

Ces inégalités entre arrondissements, La Presse les constate année après année au moment du dépôt du budget de Montréal, et 2012 est loin de faire exception. Pour la première fois, l'exercice a cependant été poussé plus loin pour répondre à une question cruciale: les écarts ont-ils diminué depuis le premier budget de la nouvelle Ville de Montréal, en 2006?

La réponse: non. Rien n'a changé en sept budgets, indique notre tableau (voir page ci-contre). Le classement des arrondissements, du plus gâté au plus défavorisé, est resté le même à quelques détails près. Dans cette analyse, et prenant bonne note des réserves de la Ville devant ce type de palmarès, on a exclu les arrondissements de Ville-Marie et de Saint-Laurent, des cas uniques qui doivent offrir des services soit à de nombreux visiteurs, soit à un parc industriel important.

Depuis 2006, la Ville de Montréal verse à ses 19 arrondissements une somme globale qui est passée de 790 à 850 millions - ce qu'on désigne comme le «montant d'équilibre» ou la dotation. Pour boucler leur budget, les arrondissements comptent surtout sur ce chèque, qui varie de 17 à 164 millions selon leur taille. Environ un dixième de leurs revenus provient ensuite de sources locales - parcomètres et permis, essentiellement.

Des employés et des sous

En 2006, l'écart entre l'arrondissement le moins favorisé, CDN-NDG, et celui qui arrivait en tête, Le Sud-Ouest, était presque du simple au double, 389$ contre 676$, une différence de 73%. En 2012, les mêmes arrondissements sont aux mêmes positions, avec un écart de... 73%.

En 2006 et 2012, le top 5 des arrondissements les plus gâtés en matière de dotation par habitant est resté le même: outre Ville-Marie et Saint-Laurent, on trouve Le Sud-Ouest, Outremont et Lachine. Au bas de l'échelle, ce sont toujours CDN-NDG, Rosemont-La Petite-Patrie, Montréal-Nord et Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension qui reçoivent le moins des services centraux de la Ville.

Fait à noter, les inégalités budgétaires sont partiellement reflétées dans une comparaison bien concrète: le nombre d'employés municipaux au service des citoyens. CDN-NDG et Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension sont en bas de liste avec moins de 3 employés par 1000 habitants, tandis que Lachine et Le Sud-Ouest peuvent offrir au-delà de 6 employés.

Tentative de péréquation

La Ville de Montréal est-elle plus équitable aujourd'hui qu'elle l'était en 2006? Ce grand objectif des fusions forcées, censées favoriser la répartition de la richesse dans l'île, on en voit effectivement des traces dans l'évolution des dotations des arrondissements. Ce sont trois arrondissements plus favorisés, Saint-Laurent ("2,9% entre 2006 et 2012), LaSalle ("3,2%) et Le Plateau-Mont-Royal ("3,4%) qui figurent en bas de liste pour l'augmentation de leur dotation en sept ans. Flirtant avec les premières positions du palmarès, pour une rare fois, on trouve Ahuntsic-Cartierville ("9,6% depuis 2006) et Montréal-Nord (8,7%).

À la Ville de Montréal, on n'apprécie guère cet exercice de comparaison par habitant, qu'on juge simpliste. «Pour nous, ce n'est pas quelque chose qu'on utilise, dit Gonzalo Nunez, porte-parole. La situation est beaucoup plus complexe que la simple division d'une enveloppe budgétaire par le nombre de personnes. Il faut voir plus large que ça.» Les dépenses d'un arrondissement ne servent pas qu'à répondre aux besoins de ses résidants, mais également à ceux des industries, commerces, institutions et visiteurs sur son territoire, rappelle-t-il. En outre, le chèque envoyé aux arrondissements ne reflète pas les investissements que la Ville fait dans un secteur donné - pour les loisirs, la sécurité, la culture, par exemple. Enfin, certains arrondissements comme Anjou et Rosemont-La Petite-Patrie fournissent des services aux autres et se retrouvent ainsi avec un budget et un personnel artificiellement gonflés.