Une firme d'informatique de Montréal dont la Caisse de dépôt et placement est l'un des principaux actionnaires est sur la sellette pour son hébergement de sites internet liés au gouvernement de la Syrie et à sa répression des manifestants politiques.

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Cette entreprise, iWeb Technologies, est montrée du doigt dans un rapport de l'École d'études internationales de l'Université de Toronto à propos de la «connexion canadienne» des sites internet d'organisations et de gouvernements du Moyen-Orient qui sont très critiqués sur la scène internationale.

Le rapport identifie surtout des instances du gouvernement syrien ainsi que l'organisation chiite libanaise Hezbollah. Tous deux sont l'objet de sanctions politiques et commerciales du gouvernement du Canada et d'autres pays occidentaux.

Les chercheurs de l'Université de Toronto ont trouvé au moins 16 sites internet du gouvernement syrien qui sont hébergés en tout ou en partie dans des serveurs informatiques de l'entreprise iWeb, à Montréal.

Au ministère des Affaires étrangères du Canada, on a considéré ces allégations troublantes au point de demander, hier, à la Gendarmerie royale (GRC) d'enquêter sur de possibles violations des sanctions contre le gouvernement syrien qui sont en vigueur depuis le mois de mai dernier.

20 000 clients

Il faut dire que les hébergeurs de sites internet comme iWeb, qui a plus de

20 000 clients canadiens et étrangers, ne sont pas toujours en mesure d'en surveiller le contenu et l'origine exacte en raison des nombreux intermédiaires dans la gestion de sites.

Néanmoins, à la Caisse de dépôt et placement, on a indiqué hier avoir «communiqué très rapidement avec le président du conseil d'iWeb afin de lui faire part de préoccupations» à propos des sites web liés au régime syrien.

«Nous continuerons de suivre la situation de très près. Nous prendrons de nouveau contact avec l'entreprise si d'autres questions surgissent», a indiqué le porte-parole de la Caisse, Maxime Chagnon.

La Caisse de dépôt est l'un des principaux actionnaires d'iWeb depuis juin dernier, lors d'une transaction de fermeture de capital (retrait de la Bourse) qui s'est élevée à

81 millions en échange d'actions et de titres de dette.

Outre les cofondateurs d'iWeb, qui la dirigent toujours, les partenaires de la Caisse dans cette transaction étaient la société de capital-risque Novacap, de Montréal, et la firme américaine Bank Street Capital.

Fondaction CSN s'est ajouté à ce groupe en septembre avec l'achat de 12,5 millions en titres de dette d'iWeb.

«Nous sommes persuadés que les dirigeants d'iWeb prendront les mesures nécessaires pour corriger la situation», a indiqué hier la porte-parole de Fondaction, Suzanne La Ferrière.

En croissance soutenue, iWeb regroupe plus de 210 employés et vient de franchir le seuil des 35 millions de chiffre d'affaires.

Toutefois, la controverse suscitée par les sites internet du gouvernement syrien n'est pas une première du genre chez iWeb.

Il y a trois ans, l'entreprise s'est retrouvée avec des sites du groupe Hezbollah dans ses serveurs informatiques à Montréal.

Elle les avait vite débranchés après un reportage à la télévision anglaise de Radio-Canada.

Cette fois-ci, on semble moins empressé d'agir à l'égard des sites internet du gouvernement syrien.

Hier en fin de journée, iWeb a dit avoir débranché un seul de ces sites, celui du télédiffuseur Addounia TV, qui est étroitement lié au régime et que des militants en Syrie accusent d'inciter à la violence et à la répression.

Selon iWeb, ce débranchement rapide était possible parce que le site d'Addounia était dans un serveur informatique autonome. Les autres sites web liés au régime syrien seraient dans des serveurs partagés avec d'autres sites de diverses origines.

Par conséquent, iWeb ne pourrait simplement fermer un serveur et bloquer plusieurs autres sites sans s'exposer à des ruptures de contrat avec ses autres clients qui n'ont aucun lien avec la Syrie.

«Avec plus de 20 000 clients, nous ne pouvons agir à titre de juges du contenu des sites web que nous hébergeons. Aussi, nous ne pouvons débrancher des clients de notre propre gré sans une requête ou une ordonnance officielle», a indiqué Éric Chouinard, coprésident fondateur d'iWeb.

«Cela dit, nous avons l'habitude de collaborer avec les autorités lorsqu'elles veulent dépister et bloquer des sites web qui contreviennent aux lois. Nous faisons de même cette fois-ci.»