Ce n'est pas le grand amour, tout au plus un mariage de raison. Dix ans après la fusion des 28 municipalités de l'île en une seule grande ville, les Montréalais en ont encore une opinion très partagée. Les partisans et les opposants de l'opération sont à égalité, à 36%, selon un sondage Angus Reid-La Presse.

Indice que la pilule est en train de passer? «Ça fait quand même 10 ans, analyse Jaideep Mukerji, vice-président d'Opinion publique Angus Reid. Dix ans de perspective, ça commence à être long. Les sentiments sont moins vifs, moins clairs qu'à l'époque.»

Les Montréalais sont loin d'être aussi enthousiastes, toutefois, que les résidants de Québec: ces derniers considèrent à 69% que les fusions ont été une bonne chose. Montréalais et Québécois partagent toutefois le même constat amer: ils en obtiennent moins pour leur argent depuis les fusions. Quelque 55% des répondants de la métropole - 47% dans le reste de la province - ont cette perception.

Même désillusion quant au contrôle exercé sur les décisions municipales: 52% des Montréalais estiment en avoir moins qu'il y a 10 ans, un taux dans la moyenne québécoise. À peine 2% des répondants croient que les fusions ont amené plus de contrôle sur l'appareil municipal.

«C'est intéressant, parce que si les opinions sont partagées au début, elles sont beaucoup plus claires quand on entre dans les détails: la perception est négative, en ce qui concerne le contrôle ou l'utilisation de l'argent de l'impôt foncier», note M. Mukerji.

Il est cependant «plausible» que les fusions ne soient pas les seules responsables de cette perception. «Quand on interroge les gens sur l'usage de leur impôt, on obtient presque toujours un mécontentement semblable, même dans les villes où la fusion est populaire.»

Non au passé

Pas question, cependant, de revenir en arrière et de recréer les anciennes villes d'avant 2001. En effet, 51% des répondants au Québec préfèrent garder les villes fusionnées, alors que 29% souhaitent revenir à la situation d'il y a 10 ans. Pour les Montréalais, la proportion est de 44% contre 34% qui aimeraient retrouver leur ancienne ville.

L'adhésion à la nouvelle ville n'est pourtant pas évidente. Questionnés sur leur sentiment d'identification, 36% affirment être plus attachés à leur ancienne ville qu'à la nouvelle. Ils sont 33% à choisir le Montréal post-2001, tandis qu'une importante proportion de répondants, 31%, se disent incertains.

S'ils sont hésitants quant aux fusions, les répondants ont une opinion plus tranchée en ce qui concerne les défusions qui ont suivi en 2006. Pas moins de 44% des Montréalais estiment qu'il s'agissait d'une mauvaise chose et 29% l'approuvent. Même chez les anglophones, la perception négative des défusions domine légèrement, à 37% contre 35%.

On comprend mieux que les Montréalais se montrent étonnamment ouverts quand il s'agit de «corriger» les défusions de 2006. Partisans et opposants sont à peu près en nombre égal, 39% et 40%, quand on demande aux personnes sondées si elles appuieraient un gouvernement du Québec qui forcerait la fusion des villes qui ont quitté Montréal en 2006.

Cela dit, l'écrasante majorité des répondants admettent que les fusions, qui ont tant fait couler d'encre, ont finalement très peu changé leur vie. À l'échelle du Québec, 67% des sondés affirment avoir été très peu ou pas du tout touchés par le changement. Le taux est presque le même à Montréal, avec 66%.

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Au sujet de la méthodologie

Du 28 octobre au 1er novembre derniers, Opinion publique Angus Reid a mené un sondage en ligne auprès d'un échantillonnage représentatif de 1672 Québécois habitant dans des villes qui ont été touchées par les fusionnements municipaux en 2001 (Montréal, Longueuil, Trois-Rivières, Sherbrooke, Shawinigan, Saguenay, Gatineau, Québec et Lévis).

Les répondants, inscrits au Forum Angus Reid, ont été choisis au hasard. La marge d'erreur - qui mesure la variation de l'échantillonnage - est de plus ou moins 2,4 points de pourcentage, 19 fois sur 20, pour l'ensemble des villes fusionnées et de plus ou moins 3,4 points de pourcentage, 19 fois sur 20, pour la ville de Montréal. Les résultats ont été statistiquement pondérés conformément aux plus récentes données de recensement sur la scolarité, l'âge, le sexe et la région, de façon à assurer un échantillonnage représentatif de la population adulte pour chaque ville. Les différences dans ou entre les totaux sont attribuables aux arrondissements.