Montréal, comme les autres villes du Québec, n'est pas obligé de choisir le plus bas soumissionnaire, et peut annuler un appel d'offres insatisfaisant. C'est du moins l'interprétation sans équivoque du ministère des Affaires municipales, qui a été interpellé récemment à ce sujet par de nombreux élus municipaux.

Jeudi, le maire Gérald Tremblay a demandé qu'on lui «donne les moyens» de contrer la collusion, notamment en assouplissant les règles d'attribution des contrats. Ces outils existent déjà, a répliqué hier le Ministère. Faux, a maintenu le maire de Montréal.

«On peut rejeter un plus bas soumissionnaire: une autorisation doit être faite au ministre, dit Caroline Saint-Pierre, porte-parole au ministère des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire. Pour ce faire, ce doit être basé sur des motifs raisonnables et sérieux.» Cette dérogation a été demandée et accordée maintes fois à des municipalités, ajoute-t-elle sans fournir de statistiques précises.

Elle a donné en exemple une entreprise de déneigement qui aurait suscité de nombreuses plaintes de citoyens par le passé, et qui remporterait un appel d'offres. «Je me dis que ça n'a pas de sens. Je peux venir demander au ministre de ne pas lui accorder ce contrat. Il y a cette option-là, c'est dans la loi.»

Si la Ville de Montréal choisissait cette voie, elle courrait le risque d'être poursuivie, a répliqué le maire Tremblay. «Même si on avait l'autorisation du ministre dans certaines circonstances, parce qu'il y aurait un doute sur la qualité du soumissionnaire, on s'expose à une poursuite. On le voit de plus en plus, comment certains entrepreneurs sont très vites à intenter des poursuites.»

Mafia et contrats

Le 29 septembre dernier, la mairesse de l'arrondissement de Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles, Chantal Rouleau, a dénoncé le fait que des entreprises qu'elle sait proches de la mafia puissent remporter des appels d'offres, en étant les plus basses soumissionnaires. Ce cas offrirait-il un motif «sérieux et raisonnable» pour une exemption? «Oui, ce serait une forme de motif raisonnable et sérieux pour demander l'autorisation du ministre de ne pas lui accorder ce contrat-là», répond Mme Saint-Pierre.

«On ne veut pas, nous, commencer à demander chaque fois au ministre de prendre des décisions sur la qualité des soumissionnaires, rétorque le maire Tremblay. On veut qu'il apporte des solutions.»

Une municipalité n'est pas obligée de consulter Québec pour annuler, par exemple, un appel d'offres dont le gagnant proposerait un prix trop élevé, assure Mme Saint-Pierre. Cette possibilité - tout comme l'attribution d'un contrat à un soumissionnaire qui ne serait pas le plus bas - est permise par la Loi des cités et villes. Mais ces points n'y figurent pas explicitement, admet la porte-parole. «C'est de la jurisprudence, ce n'est pas écrit textuellement dans la loi. Mais ils sont tout à fait valables.»

C'est là que le bât blesse, estime le maire de Montréal. «Je ne veux pas commencer à faire un débat juridique sur la place publique, on n'en sortira jamais. Nous, on veut un éclaircissement. On veut que tous les doutes qui subsistent soient éliminés le plus rapidement possible. La loi est silencieuse sur certains points. Est-ce qu'on peut actualiser la loi en fonction de la jurisprudence?»

Les règles du jeu

En matière d'appels d'offres, Montréal doit se plier aux règles commerciales internationales, rappelle-t-il. «Il y a des règles du jeu. Elles sont très claires: on ne peut pas retourner avec un appel d'offres avec les mêmes devis sans attendre un certain délai et sans modifier la documentation. C'est la jurisprudence qui le dit, ne cherchez pas ça dans la loi. Les tribunaux ont tranché sur ce point-là.»