Pendant 24 ans, Suzy Ouellet a surnagé dans le trafic. Matin et soir, beau temps, mauvais temps, sa journée commençait du mauvais pied: à 4h50, dans la noirceur, pour être certaine d'arriver à temps au travail. Sitôt franchie la porte de sa maison de Repentigny, Mme Ouellet se plongeait dans la congestion à destination de Montréal.

«C'était parechoc à parechoc tous les matins. De quoi me rendre folle», dit-elle. Une fois passée l'autoroute 40, elle s'engouffrait dans le métro à la station Radisson. Une trentaine de minutes plus tard, juste avant 7h du matin, elle arrivait au travail. Il lui fallait une heure et demie pour s'y rendre, après un long trajet en voiture et en métro.

Aurait-elle pu se passer de sa voiture? «Les autobus qui partent de Repentigny et qui se rendent au métro Radisson sont trop rares. Si on en manque un, il faut attendre une heure pour le suivant.» Puisque ses quarts de travail étaient de 12 heures, elle terminait à 19h30. En prenant l'autobus à la station Radisson, elle serait arrivée chez elle à 21h. Impensable. À la fin, le trajet a eu raison d'elle. «J'en avais plein mon casque, du trafic. Ça me rendait agressive, ça me fatiguait. J'étais à bout, je devais faire quelque chose. Soit je mettais la pancarte devant la maison et je me rapprochais du travail, soit je devançais ma retraite.»

Suzy Ouellet a pris sa retraite cet été, un an plus tôt que prévu. Elle ne se lève plus à 4h50 du matin. Elle ne soupire plus sur la 40. Elle ne croit plus aux promesses de «train de l'Est», qu'elle entend depuis trop d'années. «C'est dommage, parce qu'il y a plein de gens intéressés à prendre les transports en commun à Repentigny. Mais pour l'instant, ça n'a pas de sens. C'est de la folie.»