Contrairement à ce qu'a laissé entendre le ministère des Transports du Québec, la solidité des assises des poutres soutenant les paralumes de l'autoroute Ville-Marie (A720) n'avait pas été analysée avant l'effondrement survenu le 31 juillet, indique le plus récent rapport d'inspection datant de janvier dernier.

Le MTQ a publié ce rapport en catimini vendredi après-midi à la fin d'un communiqué portant sur un tout autre sujet, soit l'état d'avancement des travaux d'urgence au pont Mercier. Plusieurs journalistes le réclamaient avec insistance depuis l'effondrement, mais aucun d'eux n'a été avisé de sa diffusion.

Les paralumes, qui tamisent la lumière, ont été conçus pour aider les automobilistes à habituer leurs yeux à l'obscurité du tunnel. Ils sont posés sur des poutres de béton, qui s'appuient sur le dessus des murs se trouvant de part et d'autre de l'A720, une autoroute en tranchée.

Ces appuis - soit le dessus des murs - n'ont que 25 centimètres de largeur. Lorsque des ouvriers ont décapé les murs pour y réinjecter du béton, l'un des appuis a cassé. La poutre qu'il soutenait est tombée, entraînant dans sa chute une centaine de tonnes de paralumes. Heureusement, personne n'a été blessé.

Un rapport datant de 2008, diffusé quelques jours après l'effondrement, indiquait que «plusieurs sections des murs supportant les paralumes (de l'A720) comportent d'importantes surfaces de béton délaminé». Le même rapport signalait une perte d'appui de 25% sous deux poutres. Il recommandait des travaux de réparation. Ceux-ci n'ont jamais été faits. Il a fallu qu'une poutre s'effondre pour le MTQ ancre chacune d'entre elles et les solidifie avec des piliers.

Au cours de plusieurs conférences de presse, le ministre des Transports Sam Hamad et sa sous-ministre Anne-Marie Leclerc ont affirmé que la structure même du tunnel avait été inspectée. Ils assuraient que le rapport, terminé en janvier dernier, montrait que cette structure ne souffrait d'aucune déficience. Lorsque les journalistes demandaient de voir le document, 
M. Hamad et Mme Leclerc promettaient qu'il serait diffusé en temps et lieu.

Rédigé par la firme SNC-Lavalin comme l'analyse d'inspection générale de 2008, le rapport a été mis en ligne sur le site du MTQ vendredi. Il porte ce titre: «Évaluation de la capacité portante du système de paralumes - Tunnel Viger direction Est». Malgré certaines réserves, les auteurs se montrent globalement satisfaits de la solidité des poutres et des paralumes... mais ils précisent qu'ils n'ont pas étudié la solidité des assises.

Pour faire image, disons qu'ils se sont assurés que les poutres ne pouvaient pas casser en deux. Mais ils n'ont pas cherché à savoir - parce que le MTQ ne le leur a pas demandé - si les appuis de ces poutres, eux, risquaient de céder.

«Le rapport ne traite que de la structure des paralumes et des poutres de béton les supportant en excluant leurs appareils d'appui ainsi que les murs et autres ouvrages mentionnés dans le document d'inspection de mai 2008», notent les auteurs. Ces derniers insistent à plusieurs reprises sur cet aspect. «Il est à noter que les appareils d'appui et les murs supportant les poutres sont exclus du mandat (d'analyse)», répètent-ils à deux reprises.

Puis ils répètent deux fois cette conclusion: «Les appareils d'appui des paralumes doivent être inspectés et une cote de comportement doit leur être donnée.» Rien ne montre que ce travail a été fait: le MTQ n'a jamais évoqué l'existence d'un second rapport sur la solidité de la structure du tunnel.

Le même rapport de janvier dernier souligne certaines déficiences des paralumes. «Il faut mentionner que ces paralumes n'ont aucune armature transversale pour le cisaillement et que la seule armature longitudinale est une barre no 4 dans le haut et le bas de la section, indique-t-on. Cette armature correspond à l'armature minimale de flexion...

«La sécurité de l'ensemble serait alors limitée du fait de l'absence d'armature transversale de cisaillement et le peu de ductilité des sections. Il est donc demandé de porter une attention particulière à l'état de ces paralumes dans les zones d'appui, lors des futures inspections générales, et de considérer l'examen des appareils d'appui lors des inspections».

Puis, concernant les poutres, le rapport signale ceci: «L'inspection générale de 2008 a révélé des signes de délaminage ainsi des fissures diagonales de cisaillement dans les zones d'appui de ces poutres».

Des experts se penchent actuellement sur les causes de l'effondrement de la poutre no 2. Leur conclusion n'est pas attendue avant plusieurs mois.