Les terrains de sport synthétiques sont plus résistants, plus durables et coûtent moins cher d'entretien que les surfaces en vrai gazon. Ils participent toutefois à la progression des îlots de chaleur dans la métropole, déplorent les experts.

Propulsés par la popularité grandissante du soccer, les terrains synthétiques sont de plus en plus nombreux à Montréal. Une vingtaine ont été aménagés en ville au cours des quatre dernières années.

«De plus en plus, on remarque un engouement pour les terrains synthétiques. Les parents les adorent parce que, plutôt que de faire jouer trois équipes, on peut en faire jouer huit et le terrain est toujours beau, explique Yves Baudouin, professeur au département de géographie de l'Université de l'UQAM. Sur une base organisationnelle, c'est peut-être intéressant, mais sur une base thermique, c'est une dégradation du milieu.»

La température au sol sur un terrain synthétique est de presque 8°C plus élevée que la température sur du gazon. Le gazon artificiel, qui est un mélange de produits plastiques, devient beaucoup plus chaud que le gazon naturel sous l'effet du soleil.

«Il y a de plus en plus de terrains synthétiques à Montréal et en banlieue. Mais ce ne sont pas des espaces verts, ce sont des espaces qui détériorent leur environnement thermiquement», tranche M. Baudouin.

Une étude sur la question a conclu que la température sur le terrain artificiel du parc Jeanne-Mance était de 5 à 7°C supérieure à celle du milieu environnant. «D'un côté, on essaie de mener des actions pour améliorer la situation des îlots de chaleur, mais de l'autre, on donne le feu vert à des aménagements néfastes», déplore M. Baudouin.

Gazon ou bouette?

À la Ville, on ne nie pas qu'une pelouse artificielle dégage beaucoup plus de chaleur qu'une pelouse naturelle. On note toutefois que de comparer les deux est trompeur, puisque le gazon, sur les terrains de soccer, se transforme rapidement en terre à Montréal.

«La différence de température est négligeable, à peine 2 ou 3°C, entre un revêtement en gazon synthétique et une surface en terre battue, nuance Valérie De Gagné, porte-parole de la Ville de Montréal. Lorsqu'elle est surutilisée, une surface naturelle perd rapidement son gazon et se transforme inévitablement en surface qui s'apparente davantage à de la terre battue.»

De fait, les terrains de soccer sont si populaires à Montréal que les surfaces de gazon en bon état se comptent sur les doigts d'une main. L'arrondissement du Plateau-Mont-Royal l'a constaté à ses dépens au parc Lafontaine, où un petit terrain naturel a été inauguré l'été dernier.

«C'est devenu de la bouette à la grandeur. Ce terrain-là est tellement utilisé qu'il a disparu!», déplore le maire Luc Ferrandez.

Pour l'instant, le Plateau n'a pas les 2 millions requis pour s'offrir un seul des dispendieux terrains synthétiques. Mais il s'agit d'un mal pour un bien, selon le maire, qui note que les surfaces artificielles sont de plus en plus performantes thermiquement.

«Les terrains synthétiques s'améliorent et il y a de nouvelles surfaces avec une différence de seulement 3°C avec le gazon naturel, dit-il. Ce n'est donc pas une si mauvaise nouvelle qu'on n'ait pas eu l'argent à ce jour, car les terrains seront de mieux en mieux à l'avenir.»