Malgré la frappe policière menée la semaine dernière contre des trafiquants de crack, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, les piqueries poursuivent tranquillement leur négoce. Un coup d'épée dans l'eau, alors, cette énième rafle? Au contraire: depuis 3 ans, le nombre de piqueries a chuté de 25 à 4 dans ce secteur populaire de l'est de la métropole, a appris La Presse.

«Au lieu de se demander si nos opérations ne donnent rien, il faudrait plutôt se demander à quoi ressemblerait la situation si on ne faisait rien», nuance François Cayer, commandant du poste de quartier 23, qui dessert ce quartier chaud.

Le crack et la prostitution font partie du paysage d'Hochelaga-Maisonneuve depuis des lustres. Aux yeux du commandant Cayer, ces problèmes complexes ne relèvent pas vraiment de la police. «Le haut taux de décrochage scolaire entraîne les garçons vers la criminalité et les filles vers la prostitution. Et presque tous ces crimes sont liés à la toxicomanie. Personne ne commet de vol ou ne se prostitue pour repeindre sa cuisine...» illustre le commandant.

La répression, mais aussi des partenariats avec les élus et les organismes communautaires ont fini par porter leurs fruits. Résultat: le nombre de piqueries a beaucoup diminué depuis trois ans.

Va-et-vient incessant

Dix personnes ont été arrêtées la semaine dernière en marge de l'opération Éclaircie. Les policiers ont notamment frappé dans un appartement de la rue Aylwin, décrit comme un lieu de ravitaillement. Aujourd'hui, les circulaires s'accumulent devant l'entrée de l'appartement désert.

Mais à quelques rues de là, dans un vieil immeuble décrépit à l'angle des rues Sainte-Catherine et de Chambly, le va-et-vient des prostituées, des clients et des toxicomanes est incessant. Les policiers y ont fait le ménage à quelques reprises dans le passé, en vain. Ces indésirables reviennent chaque fois. À notre passage, une jeune femme, l'air complètement intoxiqué, fait le trottoir d'un pas mal assuré devant l'immeuble. Elle dégrafe un bouton de son chemisier pour exhiber son décolleté. À plusieurs reprises, elle entre dans l'immeuble, pour en ressortir quelques minutes plus tard en titubant. Plusieurs autres prostituées font la même chose. Plus tard, une vive altercation éclate devant la porte de l'immeuble entre deux filles et un homme.

Commerçants et voisins esquissent un sourire lorsqu'on évoque les récentes opérations policières pour fermer les piqueries du quartier. «La police n'arrête jamais les responsables, alors ça continue. On ramasse souvent des seringues et des enveloppes de condom», dit l'employé d'un commerce voisin.

«Quand les gens se plaignent, on intervient en priorité», réplique le commandant Cayer. Mais les piqueries sont toujours en mouvement. Des prête-noms sont utilisés et leur espérance de vie est de quelques mois.

Bien sûr, il y a des «classiques», comme la maison de chambres du 3911, rue Sainte-Catherine. Le «3911» a déjà fait les manchettes dans le passé parce que prostituées et toxicomanes y partagent leur toit avec des personnes atteintes de problèmes de santé mentale. Le fait de placer des gens vulnérables dans cet immeuble avait d'ailleurs fait débat. Les pompiers du secteur, qui agissent à titre de premiers répondants, y interviennent encore régulièrement, toujours sous escorte policière.

En avril 2010, le SPVM avait orchestré un important ménage du printemps dans le secteur. L'opération, baptisée Eraser, avait permis de démanteler un réseau de trafiquants lié aux motards. Quarante-cinq suspects étaient dans la ligne de mire des policiers.

En 2009, le projet Pépin avait permis le démantèlement de 11 piqueries réparties dans au moins 5 immeubles appartenant au même individu.

Selon le commandant Cayer, des criminels indépendants et de deuxième catégorie - et non des membres du crime organisé - se font actuellement la guerre pour avoir la mainmise sur le quartier. Depuis des générations, les rues d'Hochelaga-Maisonneuve sont apparemment partagées entre deux ou trois familles. «Il y a aussi des gens de l'extérieur du quartier qui tentent de s'emparer du marché», observe François Cayer.

C'est sans compter le retour possible de certains membres des Hells Angels qui, arrêtés au cours de l'opération SharQc, seront bientôt libérés après avoir purgé leur peine.