L'administration Tremblay vient de nommer son nouveau contrôleur général: il s'agit de Denis Savard, un comptable dont le travail a été critiqué par le vérificateur général dans son rapport sur les compteurs d'eau.

«M. Louis Roquet, directeur général, a le plaisir d'annoncer la nomination de M. Denis Savard à titre de contrôleur général par intérim», peut-on lire dans un communiqué interne de la Ville de Montréal, diffusé jeudi dernier.

«Denis Savard a un parcours professionnel éloquent et une expertise renommée en matière de gestion de services et d'activités de vérification interne et externe.»

M. Savard remplace Pierre Reid, qui a perdu son poste de contrôleur général, le 11 avril, quand La Presse a révélé qu'il avait fait ouvrir les courriels de Claude Dauphin, le président du conseil municipal. Plus tôt durant l'hiver, La Presse a aussi révélé que M. Reid avait ouvert les courriels du vérificateur général, Jacques Bergeron. Le contrôleur général de la Ville de Montréal est le grand patron des enquêtes internes.

Le 30 novembre 2009, le vérificateur Jacques Bergeron a déposé un addenda à son rapport sur le contrat des compteurs d'eau, qui portait exclusivement sur le travail de M. Savard.

Le vérificateur indiquait que les conseillers municipaux avaient été induits en erreur lorsqu'ils avaient voté pour l'attribution du contrat des compteurs d'eau au consortium GÉNIeau, codirigé par l'homme d'affaires Tony Accurso.

Les conseillers avaient l'impression que le processus d'attribution du contrat avait été supervisé par Denis Savard, qui occupait alors la fonction de vérificateur interne à la Ville. Des remerciements étaient adressés à M. Savard dans le document que les fonctionnaires avaient remis aux élus. «Nous avons cependant constaté que le vérificateur interne, pour des raisons inexpliquées, n'a pas produit l'avis indépendant, n'a pas informé le directeur général de cette situation et n'a pas documenté les raisons expliquant la non-production dudit avis... Ils (les élus) n'ont pas été informés que l'avis indépendant du vérificateur interne sur le processus de qualification (de GÉNIeau) n'avait pas été produit.»

Cette omission violait le document d'appel d'offres. Or, lorsque M. Bergeron a constaté cette «irrégularité», Denis Savard était devenu son employé. Dans ce contexte, ce dernier ne pouvait plus continuer à travailler pour lui. Il a été récupéré par le service de Pierre Reid.

Lors du dépôt du rapport spécial du vérificateur général, Jean-Yves Hinse, directeur des relations professionnelles à la Ville, avait officiellement ouvert une enquête sur M. Savard.

«Il (Denis Savard) était censé superviser le processus (d'attribution du contrat des compteurs d'eau) et il était supposé déposer un avis, mais il ne l'a pas fait, avait dit M. Hinse. Dès que nous aurons des réponses, dès que nous saurons pourquoi il n'a pas déposé son avis, nous rencontrerons la presse et nous dirons tout ce que nous aurons appris.»

Cette semaine, La Presse a demandé à l'administration Tremblay quelles avaient été les conclusions de cette enquête. «Nous vous confirmons qu'une enquête interne a été réalisée, mais il n'y a rien eu de négatif à l'égard de M. Savard», nous a écrit Gonzalo Nunez, porte-parole de la Ville.

«Puisqu'il s'agit d'une enquête interne, les conclusions de cette enquête sont internes et non publiques», a ajouté M. Nunez dans son courriel.

»Incroyable»

À la Ville de Montréal, les nominations par intérim précèdent souvent les nominations permanentes. Les deux partis de l'opposition ont réagi vivement au choix de M.Savard comme contrôleur général.

«Cette nomination est quand même incroyable, a déclaré Louise Harel, la chef de Vision Montréal. M. Savard avait laissé croire faussement qu'il avait fait un avis sur le contrat des compteurs d'eau... mais finalement, il ne l'avait jamais fait. Il a été chassé du bureau du vérificateur général pour cette raison, et le voilà nommé au poste de contrôleur général.»

«Denis Savard va poursuivre la dispute avec le vérificateur général, a ajouté Richard Bergeron, chef de Projet Montréal. Le nommer au poste de contrôleur général est un autre signe du côté mesquin et revanchard de (Gérald) Tremblay. Il aurait fallu trouver un contrôleur à l'extérieur de la Ville. Mais non, le maire choisit un homme qui a été pris en faute par le vérificateur général.»

Le contrat des compteurs d'eau, le plus important contrat jamais accordé par la Ville de Montréal, a finalement été annulé. Il fait l'objet d'une enquête par la Sûreté du Québec.