En décembre 2009, Yves Grimard, qui dirige le service des enquêtes sous la direction de Pierre Reid, a autorisé à Michel Nantel, conseiller en sécurité informatique de la Ville, l'accès à tous les serveurs et équipements informatiques de la Ville «afin de réaliser diverses opérations dans le cadre d'enquêtes internes».

En vertu de cette autorisation, M. Nantel a eu un accès étendu aux courriels et aux textos envoyés sur les quelque 800 BlackBerry fournis par la Ville aux cadres, aux élus et aux membres des cabinets politiques. C'est ce qui lui a permis de saisir les courriels du vérificateur général.

Le vendredi 18 mars dernier, La Presse a révélé que Michel Nantel avait reçu le mandat de Pierre Reid d'enquêter non seulement sur n'importe quel employé de la Ville, mais aussi sur les élus. Cette information, qui apparaît dans une décision de la Commission des relations du travail, a inquiété les conseillers municipaux.

Le maire Gérald Tremblay a voulu les rassurer. «On a une opinion juridique qui est très claire, a-t-il dit, à sa sortie d'un dîner à la chambre de commerce. Le bureau du contrôleur (Pierre Reid) n'a pas le droit d'enquêter sur les élus.»

A-t-il l'assurance que ça n'a jamais été fait? lui ont demandé les journalistes. «Moi, j'ai l'assurance qu'il (M. Reid) n'a pas le droit de le faire, a répondu le maire. C'est ça qui est important. Et on me dit qu'il ne l'a pas fait. Partant de là, je me fie à ce qu'on me dit et on n'enquêtera pas sur les élus.»

Courriels anonymes

Le lundi suivant, c'était le jour de la séance du conseil municipal. Pendant la journée, un correspondant anonyme a adressé un courriel au président du conseil, Claude Dauphin. Le même correspondant a envoyé un courriel semblable aux partis de l'opposition et à La Presse.

«Je suis un employé de la Ville très près de Pierre Reid, a-t-il écrit. Je peux vous confirmer deux choses: actuellement, il enquête sur des élus, donc sur leurs courriels et leurs BlackBerry; l'an passé, au printemps 2010, il a déclenché une vaste enquête sur Claude Dauphin pour des contrats octroyés à Lachine.»

Après avoir reçu ce courriel, M. Dauphin a demandé des explications à Pierre Reid. Ce dernier a nié avec véhémence avoir déjà enquêté sur lui.

Le même jour, Louis Roquet, directeur général de la Ville, a remis une lettre à M. Dauphin, en tant que président du conseil municipal. M. Dauphin a déposé la lettre quelques heures plus tard à l'assemblée du conseil.

«D'entrée de jeu, à la suite de vérifications sérieuses, il appert qu'aucune enquête administrative n'a été conduite par les services de la Ville de Montréal à l'égard d'un élu municipal ou d'un membre de cabinet, lesquels ne sont pas des fonctionnaires ou employés municipaux, indiquait la lettre de M. Roquet. (...) Cela est conforme à l'avis du Service des affaires juridiques à l'effet que les services de la Ville n'ont pas le droit d'enquêter sur les élus.»

Loin d'être rassurée, la leader de l'opposition, Anie Samson, a déclaré ceci à l'assemblée du conseil: «J'ai la confirmation de hauts fonctionnaires de la Ville de Montréal que les BlackBerry et les courriels d'élus ont fait l'objet d'enquêtes. Je vais vous dire leurs noms en temps et lieu.»

Cette déclaration a intrigué M. Dauphin. Mardi dernier, il a écrit à son tour à M. Roquet. Ce dernier, a-t-il souligné, avait assuré que les courriels des élus ne font actuellement l'objet d'aucune surveillance. Mais, a-t-il demandé, M. Roquet peut-il «garantir à l'ensemble des membres du conseil que, par le passé, aucune consultation n'a été faite» ? M. Dauphin a demandé une réponse avant l'assemblée du conseil d'aujourd'hui.

Demain: la suite de notre dossier sur les enquêtes internes à la Ville de Montréal; un autre cas troublant.