Un hiver exceptionnellement peu enneigé, une décision payante de la Cour suprême et une réduction consistante des dépenses: voilà la recette utilisée par l'administration Tremblay pour boucler l'année 2010 avec un confortable surplus de 192 millions.

Il s'agit du plus gros surplus depuis plus d'une décennie, après un léger déficit de 500 000$ l'an dernier. Ce bilan «est en partie circonstanciel», a reconnu Alan De Sousa, vice-président du comité exécutif de la Ville de Montréal, qui a présenté le rapport financier ce matin. «Nous avons été chanceux, mais il ne faut pas minimiser les efforts budgétaires que nous avons déployés. Nous serions mal avisés de relâcher notre vigilance budgétaire.»

La victoire de Montréal en Cour suprême, concernant un litige d'impôts fonciers avec la Société Radio-Canada et le Port de Montréal en avril dernier, a rapporté à elle seule 54,2 millions, un apport imprévu mais non récurrent. «C'était un one shot deal, mais on était plus que contents de l'avoir», précise M. De Sousa. Les faibles précipitations de neige dans le dernier mois de l'année 2010 ont réussi à elles seules à procurer des économies de 33 millions. Un répit bienvenu, après une année 2008 au cours de laquelle les 371 cm de neige avaient forcé la Ville et les arrondissements à gratter les fonds de tiroir.

La vigueur inattendue du marché immobilier montréalais a en outre permis à la Ville d'encaisser 27 millions de plus que prévu en droits de mutation. «Nous nous attendions à un ralentissement à cause de la hausse des taux hypothécaires, qui n'est pas survenue, explique le vice-président du comité exécutif. Les gens veulent habiter Montréal, il se construit des choses chez nous.»

Des peanuts en bout de ligne

Ce que l'administration a contrôlé, ce sont les deux plans de réduction de dépense lancés l'été dernier, quand on a notamment demandé aux arrondissements et aux différents services administratifs de couper 1% de leurs budgets. Pour amoindrir le choc, on avait redonné 12 millions aux arrondissements à l'automne. L'exercice a permis de boucler l'année avec des économies de 78 millions.

M. De Sousa a toutefois voulu tempérer l'appétit de ceux qui espèrent voir ce surplus se transformer en baisse d'impôts fonciers. Des 192 millions, il faut déduire trois montants qui n'ont pas été précisés: le déficit du budget d'agglomération, un montant pour équilibrer le budget de 2011 et la part des arrondissements pour les surplus qu'ils ont eux-mêmes générés. «Il ne restera que 14 millions, que nous allons mettre dans notre réserve de 45 millions. 14 millions sur un budget de 4,5 milliards, ce sont des peanuts. On ne peut pas offrir des baisses d'impôts sur des événements circonstanciels comme ceux dont nous avons profité en 2010.»

Confectionner le budget 2012, prévient-il, «ne sera pas facile. Nous ne planifions pas sur la chance aveugle ou les cadeaux de Dame nature.» M. De Sousa a également dû expliquer pourquoi, après avoir annoncé le printemps dernier un trou budgétaire de 400 millions pour le budget 2011, on avait pu terminer l'année 2010 avec un tel surplus. «Il y a une grande différence entre un trou dans un budget prévu pour 2011 et les résultats effectifs pour 2010, a expliqué le comptable de formation. Nous jouons sur deux pianos en même temps: nous préparons un budget et nous gérons les finances au présent.»

La frontière n'est pas si claire, a réagi l'opposition, qui soutient que l'administration Tremblay aurait pu donner un répit aux contribuables. Dans son budget 2011 déposé le 1er décembre dernier, on a annoncé une hausse du fardeau fiscal de l'ordre de 5%. «En décembre, ce surplus était connu de l'administration, soutient Pierre Lampron, du parti de l'opposition Vision Montréal. Il aurait pu servir de coussin pour amoindrir la hausse d'impôts fonciers.» Il maintient que des économies «substantielles» sont possibles en faisant le ménage, notamment, dans les responsabilités dévolues aux arrondissements. «On ne peut pas continuer à augmenter indéfiniment les taxes et le coût des permis, il faut réduire les dépenses.»

De quoi est composé le surplus de 192 millions



-78 millions en réduction de dépenses administratives

-54 millions en compensation de taxes de Radio-Canada et du Port de Montréal

-33 millions en économie sur le déneigement, grâce aux faibles précipitations

-27 millions en droits de mutation supplémentaires