Les autorités fédérales ont refusé, vendredi, de s'engager à appuyer la construction d'un nouveau pont en remplacement du pont Champlain, même si des rapports d'ingénieurs estiment qu'il est dans un état critique et que certaines de ses sections pourraient s'écrouler.

Le sénateur conservateur Larry Smith a annoncé hier que le gouvernement fédéral accordera 158 millions de plus en trois ans à la Société des ponts Jacques-Cartier et Champlain (PJCC) pour poursuivre la réfection du pont. Ces fonds s'ajoutent aux 212 millions déjà consentis pour un programme d'entretien de 10 ans, en cours depuis 2009.

Le sénateur Smith croit que ces sommes «nous donnent une fenêtre pour faire les études» tout en assurant la sécurité du pont actuel. Mais les maires de la Rive-Sud, eux, s'inquiètent de «la vétusté de cette infrastructure» et de la lenteur du gouvernement à s'engager vers la construction d'un nouveau pont.

Le maire de Brossard, Paul Leduc, qui a assisté au point de presse de M. Smith et du directeur général de PJCC, Glen Carlin, s'est dit «très déçu», hier. Depuis la publication d'un reportage sur l'état du pont dans Cyberpresse, jeudi après-midi, il affirme que «le téléphone ne dérougit pas à l'hôtel de ville». Les gens sont inquiets, dit-il.

«On veut nous rassurer sur les informations qui circulent depuis hier, mais pour ce qui est d'un nouveau pont, il n'y a d'annonce nulle part. Je trouve cela très décevant, ce qu'on entend aujourd'hui, parce qu'il n'y a rien de neuf, sauf plus d'argent pour faire des réparations. Ce n'est pas très rassurant. Ce n'est pas seulement Brossard qui est concerné, c'est toute la grande région de Montréal. Qu'on mette plus d'argent pour réparer le pont, c'est correct, mais parallèlement, il faut un nouveau pont.»

La mairesse de Longueuil, Caroline St-Hilaire, s'inquiète du fait que les autorités fédérales ne profitent pas de l'annonce de ces travaux pour lancer dès maintenant les premières études en vue de la construction d'un nouveau pont, d'autant plus que le climat préélectoral dominant, à Ottawa, aurait dû inciter le gouvernement Harper à le faire.

«Cela pourrait indiquer que le gouvernement fédéral n'a pas l'intention de construire un nouveau pont, a-t-elle déclaré à La Presse, hier. A priori, on devrait se réjouir qu'on nous annonce plus d'argent pour assurer la sécurité du pont. À plus long terme, cela apparaît quand même comme un pansement sur une jambe de bois. Ça fait consensus sur la Rive-Sud: il faut un nouveau pont. Et je vous assure que, s'il faut se mobiliser pour en faire un enjeu électoral, on va le faire.»

228 millions pour les ponts fédéraux

La Presse a publié hier les grandes lignes de deux rapports commandés par PJCC. Les ingénieurs y estiment «qu'il y a un risque d'effondrement partiel du pont ou même d'effondrement d'une travée» et que «les défaillances et les risques associés sont tels que le pont Champlain doit être remplacé par une nouvelle structure».

En conférence de presse, hier, le sénateur Larry Smith a annoncé une bonification de 228 millions de dollars des budgets des ponts fédéraux de Montréal pour trois ans. De cette somme, 70 millions seront consacrés à des travaux d'amélioration des ponts Jacques-Cartier et Honoré-Mercier, au tunnel de Melocheville, en banlieue sud-ouest de Montréal, et à l'estacade du pont Champlain. La part la plus importante de ce budget additionnel, soit 158 millions, sera toutefois affectée au «couloir Champlain», c'est-à-dire le pont lui-même, celui de l'Île-des-Soeurs, l'autoroute Bonaventure et une portion de quelques kilomètres de l'autoroute 15, qui relève du gouvernement fédéral.

«Le gouvernement du Canada est déterminé à assurer la sécurité et l'efficacité de cet important corridor de commerce», où transitent des marchandises d'une valeur de 20 milliards de dollars chaque année, par camion, et où circulent en moyenne près de 165 000 véhicules par jour, a déclaré M. Smith.

Toutefois, sans jamais remettre en question les conclusions des rapports diffusés par La Presse, le sénateur a refusé de s'engager sur la question d'un nouveau pont. Il a rappelé que PJCC produira bientôt une étude où l'on détaillera toutes les options possibles pour l'avenir du pont Champlain.

Pour sa part, le directeur général de PJCC, Glen Carlin, a affirmé que la société fédérale n'est «pas en mode de crise ni en mode d'urgence».

Selon lui, les travaux de renforcement des poutres principales du pont seraient faits à 92%, tandis que le renforcement des têtes de piliers sera fait à 60% avant la fin de 2011.