Les arbres de l'est de Montréal ne le savent sûrement pas, mais ils sont chouchoutés par une championne dans sa catégorie.

La meilleure élagueuse du continent, depuis le 22 février dernier, s'appelle Marilou Dussault. Col bleu dans l'arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, la jeune femme de 25 ans a remporté le premier championnat nord-américain d'arboristes-grimpeurs tenu à Savannah, en Géorgie.

Déjà sacrée championne québécoise en septembre 2010, elle se battra en juillet prochain pour le titre mondial à Sydney, en Australie. L'honneur fait sourire Marilou Dussault, employée municipale depuis 2006. Elle fêtera en fait sa cinquième année d'embauche demain, le 6 mars. «Je suis quasiment en train de devenir une vedette élagueuse! lance-t-elle à la blague. C'est de la compétition, mais c'est super amical. On est là parce qu'on est tous des passionnés du même métier.»

Ce métier, en résumé, c'est l'entretien des arbres et l'habileté à les grimper. Les compétitions proposent des épreuves sur cette dernière habileté, les candidats devant montrer de la vitesse, de la compétence technique et de la précision tout en respectant les règles de sécurité.

«La compétition, c'est comme un résumé des techniques de travail qu'on utilise, explique Marilou Dussault. C'est d'appliquer et de les adapter à un milieu de compétition. La façon de te positionner dans l'arbre, d'atterrir, de viser une cible au sol.»

Comme dans leur vie d'élagueur, les arboristes-grimpeurs sont équipés de sangles et d'un système de poulie, en plus de porter leurs outils. Ils doivent par exemple aller faire sonner le plus rapidement possible trois cloches accrochées à un arbre, notamment avec leur égoïne et leur sécateur. À Savannah, la col bleu montréalaise l'a emporté sur une trentaine de rivales nord-américaines, toutes championnes de leur section locale. Si l'Europe et l'Asie-Pacifique organisent ce type de rendez-vous depuis plusieurs années, il s'agissait d'une première en Amérique.

Des arbres fragiles

Son entraînement, Marilou Dussault l'effectue en travaillant sur l'un ou l'autre des 24 000 arbres de son arrondissement. «Tous les jours, dans le secteur ici, on a de la job. Les arbres ne sont pas en très bonne santé, ils ont été très abîmés pendant la tempête de verglas de 1998. Ils se sont mal remis de ça.»

Elle sait notamment que les jours d'orage en été, son téléphone risque de sonner pour une intervention d'urgence. «On va m'appeler: «Allô, viens-t'en! On a des arbres cassés, des branches cassées sur des maisons!» En élaguant et en faisant l'entretien cyclique normal, c'est sûr qu'on peut prévenir, mais le tort a déjà été fait.»

L'employée a choisi ce métier après un détour improductif au cégep. «Je ne savais pas trop quoi faire, alors j'ai étudié en arboriculture-élagage.» Celle qui se décrit comme une femme «petite, n'ayant l'air de rien» raconte que ses professeurs l'ont rapidement encouragée à tâter de la compétition. «Je suis assez sportive, mes enseignants ont vu que je me débrouillais bien, qu'il n'y avait pas beaucoup de filles dans le métier.» Son premier employeur il y a six ans, Charles Moreau, est une vedette dans le milieu, ayant été sacré six fois champion élagueur du Québec.

«Il m'a poussée à aller en compétition. Quand on travaillait, c'était toujours du challenge, genre «O.K., c'est à mon tour» ou «Vas-y plus vite!».»

Un métier dangereux

Les femmes sont rares dans ce milieu. À Montréal, Marilou Dussault peut énumérer de mémoire celles qui travaillent pour un arrondissement. «Il y a une autre Marilou dans Ville-Marie, Maude dans LaSalle, une autre qui est partie... On n'est pas beaucoup.»

Le métier, précise-t-elle, est dangereux, «un de ceux où la cote de CSST est la plus élevée». Il y a les chutes, les risques de manipulation d'une scie à chaîne, la proximité des câbles électriques. «On travaille sur quelque chose de vivant. T'as beau avoir inspecté ton arbre, vérifier ses plaies, ses blessures qui l'affaibliraient, tu ne peux jamais tout prévoir. Il faut toujours être vigilant, alerte à tout ce qui se passe.»

Elle est intarissable pour décrire les nuances infinies de son travail. L'essence de l'arbre, son état de santé, ses blessures, ses faiblesses, tout doit être considéré quand on grimpe. «Des gens s'improvisent et grimpent, mais ils ne connaissent pas ça. Ç'a l'air facile, couper une branche, mais comment elle va réagir? La fibre est différente d'une essence à l'autre. Il ne faut pas couper pour couper, il y a des endroits précis pour maintenir la santé de l'arbre, pour l'aider à cicatriser.»

La jeune élagueuse n'a jamais subi de blessure digne de mention. En fait, si: le matin de l'entrevue, au café La boîte à lunch dans le quartier Mercier, elle arborait une profonde coupure au pouce. «Je me suis coupé le doigt en faisant de la sauce à spaghetti; c'est du sport, faire ça! Je ne me blesse pas en élaguant, mais je me coupe en faisant de la sauce à spaghetti...»