Ce sont des centaines de courriels qui auraient été copiés dans la boîte du vérificateur général de la Ville par le service des enquêtes internes. L'ensemble des documents pillés est si volumineux qu'il tient sur un disque dur de 9 gigaoctets.

Voilà du moins ce qui ressort du rapport que le vérificateur général, Jacques Bergeron, doit dévoiler lundi au conseil municipal. Le document de 51 pages, qu'a obtenu La Presse, explique en détail comment des fonctionnaires municipaux ont copié des courriels de nature confidentielle et ont ensuite tenté de masquer leurs manoeuvres.

Le rapport donne la mesure, pour la première fois, de l'étendue de la surveillance qu'a mené le contrôleur général de la Ville, Pierre Reid. En tout, ce sont 69 « fichiers courriel » qui ont été copiés de juin 2010 à janvier 2011 dans la boîte courriel de Jacques Bergeron. Ces 69 fichiers courriel sont des relevés de la boîte du vérificateur qui contiendraient des centaines ou même des milliers de courriels, ainsi que leurs pièces jointes.

Lorsqu'il s'est aperçu que sa boîte courriel était piratée, Jacques Bergeron a enjoint Pierre Reid de lui remettre tout document « obtenu de façon illégale par lui et ses subalternes ». Le contrôleur général lui a donc remis 330 documents papier ainsi qu'un disque dur contenant 9 gigaoctets de matériel. « Une masse énorme d'informations », écrit le vérificateur.

« Ces courriels portent sur des sujets divers et hautement confidentiels pour certains, qui n'ont rien à voir avec la gestion administrative du vérificateur général de la Ville », note le vérificateur dans son rapport.

Fait troublant, le vérificateur rappelle que l'enquête qu'il a menée lui a permis de découvrir que les auteurs des intrusions ont tenté de camoufler leurs actes. « Les gestes posés pour camoufler ces intrusions et tenter d'en effacer toute trace dans le réseau de la Ville montrent que les auteurs de ces attaques savaient qu'ils agissaient dans l'illégalité. Ces gestes s'apparentent en ce sens à de l'espionnage et du piratage informatique. »

Le rapport du vérificateur tend à contredire la version de la Ville sur certains points. Dans une lettre envoyée le 15 février au ministère des Affaires municipales, le directeur général de la Ville soutient que la surveillance de la boîte de courriel s'est faite « de façon très sporadique, à quatre occasions seulement ». Louis Roquet écrivait aussi que « seuls les courriels (...) qui sont relatifs à la gestion administrative du vérificateur de la Ville ont été consultés » et qu'aucun document de nature privée n'avait été lu.

Le vérificateur attend avant de s'expliquer

Le rapport ne s'attarde pas aux allégations de la Ville, qui accuse son vérificateur d'avoir commis des irrégularités. M. Bergeron aurait, selon Montréal, attribué un contrat à un membre de sa famille et en aurait scindé deux autres afin d'éviter d'aller en appel d'offres.

C'est après avoir reçu une dénonciation anonyme que le président du comité de vérification, André Harel, a demandé à Pierre Reid d'ouvrir une enquête. Cette enquête a permis de découvrir que le vérificateur a commis « plusieurs irrégularités », a dit jeudi le maire Gérald Tremblay.

Le vérificateur note dans son rapport qu'il refusera de s'expliquer tant que la Ville ne lui aura pas remis le document de deux pages produit par Pierre Reid, et détaillant ce qu'on lui reproche. « Comment se fait-il que les médias l'aient obtenu aussi facilement et rapidement alors que le principal concerné n'en a pas encore reçu de copie? » demande le vérificateur dans son rapport.

Le coulage de ce document confidentiel aux médias participe d'une « manoeuvre grossière de diversion visant à détourner l'attention des gestes graves posés par (Pierre Reid) et des membres de son service ».