Dans un geste rarissime, le Plateau-Mont-Royal a obtenu une injonction pour forcer les propriétaires d'un immeuble patrimonial en décrépitude à le restaurer selon les règles de l'art.

Construite au début du XXe siècle, la maison victorienne qui défigure l'intersection de l'avenue des Pins et du boulevard Saint-Laurent a déjà eu du panache: les passants qui lèvent la tête peuvent apercevoir une belle tourelle de cuivre. Mais elle ne conserve plus grand-chose de son lustre passé.

Elle devrait maintenant le retrouver. L'arrondissement a obtenu mercredi une injonction de la Cour supérieure qui exige qu'elle soit rénovée dans les 300 jours. Les propriétaires devront par ailleurs respecter 14 conditions pour s'assurer de respecter le caractère patrimonial de l'immeuble.

Le Plateau a demandé au service du contentieux de la Ville d'obtenir cette injonction pour des raisons de sécurité, explique Alex Norris, conseiller du Mile-End, qui a piloté le dossier. L'édifice, situé au coin nord-ouest de l'intersection, est dangereux pour les piétons. L'arrondissement avait déjà obtenu une injonction à l'automne pour forcer le propriétaire à consolider un pan de mur à l'aide d'une structure métallique. «Ces rénovations sont nécessaires pour des raisons de sécurité, mais aussi de patrimoine, ajoute l'élu de Projet Montréal. C'est un immeuble qui a un fort intérêt patrimonial, situé à un endroit névralgique sur le boulevard Saint-Laurent.»

Plusieurs commerces ont fermé depuis quelques années dans cette section de la Main. «C'est une très belle intersection et c'est un bel édifice, note le directeur de la Société de développement du boulevard Saint-Laurent, Francis Blouin. Ça traînait depuis des années et c'est une très bonne nouvelle qu'on se dirige vers une solution.»

Joint hier dans la région torontoise, l'un des propriétaires a réagi avec prudence à la décision de la cour. Martin Pressman, qui a hérité d'une part de la maison de son père, prétend que des travaux étaient imminents: «Nous avions planifié des travaux de toute façon, dit-il. Seulement, les conditions qu'on nous impose sont très strictes et seront coûteuses à réaliser. Nous aimerions l'aide de la Ville ou d'un programme quelconque.»

M. Pressman explique qu'il n'a pas l'intention de vendre l'immeuble. «Est-ce que ça vaut même quelque chose?» demande-t-il. Lorsqu'on lui dit que l'emplacement a une grande valeur, il dit qu'il n'est pas au courant. «Je sais que Saint-Laurent était une des rues principales de la ville à l'époque. Est-ce encore le cas, je ne sais trop...»

Aide de la Ville ou pas, les propriétaires devront faire les travaux et se soumettre aux exigences de l'injonction, prévient Alex Norris: «Les propriétaires ont eu plusieurs années pour prendre les décisions qui s'imposent et ils ne l'ont pas fait. C'est un peu tard pour se plaindre, maintenant.»