La nuit dernière, à près de 20° au-dessous de zéro, Michel Daigneault a parcouru les rues de Montréal au volant d'un minibus bleu. Son travail: transporter des sans-abri d'un refuge à un autre lorsque les dortoirs débordent.

Depuis le 1er décembre, il fait la navette entre la Mission Old Brewery, la Maison du Père et la Mission Bon Accueil. «L'hiver, on ne peut pas demander aux gars de marcher d'un refuge à l'autre. Ils sont dehors toute la journée. Quand ils arrivent à un endroit et qu'il n'y a plus de place, ils ne peuvent pas partir à pied. On ne leur demande pas ça», explique le chauffeur.

Les directives de l'agence de la santé et des services sociaux de Montréal sont strictes: l'hiver, personne ne doit dormir dehors contre son gré. À bord de son minibus, M. Daigneault veille à ce que les sans-abri qui le désirent puissent passer la nuit au chaud.

Et quand il a un moment de libre, il sait où aller. «Dans le bout de la rue Peel, il y a des gars qui dorment là. Hier soir, ils m'ont demandé trois couvertures. Je vais leur en apporter trois pour ce soir», explique-t-il entre deux trajets.

Il s'arrête sous un viaduc. Il dépose les couvertures sur des sacs de couchage empilés près d'une poutre. «Je ne comprends pas ça, dormir dehors à - 30 °C... ce n'est pas humain!» lance-t-il. Il respecte toutefois la volonté de ceux qui vivent dans ces conditions.

Le directeur général de la Mission Old Brewery, Matthew Pearce, explique que les règles des refuges ne conviennent pas à tout le monde. «Ceux qui ne se présentent pas au refuge ont une raison de ne pas le faire. Parfois, ils n'aiment pas être obligés de se coucher et de se lever à heures fixes. On les invite à entrer dans l'autobus pour se réchauffer. Peut-être qu'ainsi ils vont sentir qu'ils seraient mieux à l'intérieur.»

Qu'ils fréquentent les refuges ou non, les sans-abri de Montréal reconnaissent pour la plupart le minibus bleu conduit par Michel Daigneault. Ils le saluent au passage et lui racontent leurs derniers efforts pour quitter la rue. «Il y en a qui s'en sortent, parfois. Je suis content quand ils se trouvent une chambre ou un appartement. Des fois, je passe et ils sont contents de venir me parler!»