En 1981, René Lévesque est réélu premier ministre, Martine Saint-Clair est sacrée révélation de l'année... et la Ville de Montréal donne une mise de fonds de 9 millions à sa société immobilière. Après 30 ans de subventions ininterrompues, l'argent prendra la direction inverse en 2011: la métropole recevra pour la première fois une contribution de son bras immobilier.

L'an prochain, selon les informations recueillies par La Presse, la Société d'habitation et de développement de Montréal renverra 1,2 million à la Ville. Au total, elle remboursera d'ici 2015 les 9 millions prêtés à l'époque à la Société immobilière du patrimoine architectural de Montréal (SIMPA, devenue SHDM après plusieurs fusions). Ce virage survient au terme de deux années de restructuration discrète, qui ont suivi la tempête de 2008. «C'est notre façon de contribuer à l'argent que la Ville cherche partout», précise en entrevue Guy Hébert, le nouveau directeur général de la SHDM. En outre, les copropriétés construites grâce aux subventions du programme Accès Condos rapporteront quelque 4,7 millions en impôts fonciers.

Déjà, l'année 2010 représentait une première, puisque aucune subvention de la Ville de Montréal n'est venue boucler le budget de la SHDM. «En 2001, nous recevions une subvention de 8 millions; l'an dernier, elle était de 800 000$», rappelle M. Hébert. En moins d'un an, la société est en fait passée d'un déficit de 2,8 millions à un surplus de 7,2 millions. Selon les prévisions budgétaires 2011 obtenues par La Presse, cette embellie continuera avec des revenus en croissance de 25%, pour s'établir à 67,8 millions.

On mise notamment sur la vente de deux terrains dans le Quartier des écluses

(4,2 millions) et au remboursement des mises de fonds lié à la revente de copropriétés (5,2 millions) pour augmenter les revenus.

Public et rentable

Le redressement est spectaculaire pour une société paramunicipale embourbée il y a deux ans dans un scandale qui a causé le congédiement de son directeur général, Martial Filion. «Ça surprend beaucoup de monde, convient M. Hébert. On est passé d'une organisation sous l'égide de quelques personnes, à une organisation transparente, plus performante.»

En 2009, après les rapports accablants du vérificateur général et de la firme Deloitte concernant des irrégularités dans une vingtaine de transactions immobilières, particulièrement celle du Faubourg Contrecoeur, la Sûreté du Québec a été saisie du dossier. Un des premiers gestes posés par la nouvelle équipe de direction a été de demander à redevenir une société paramunicipale. Les lettres patentes ont été obtenues le 15 juin 2010.

«On est contents de l'évolution de la société, dit M. Hébert. On a un bon groupe de direction, un bon conseil d'administration. Avant, beaucoup de choses étaient déléguées au directeur général, il était juge et partie. Ce sont des choses qui ne se produisent plus.»

Guy Hébert estime que le retour au statut d'organisme public, qui implique de la transparence et de l'imputabilité, est en outre loin de nuire aux possibilités d'affaires. «Aussitôt que je suis arrivé, je voulais qu'on marche selon les règles de la Loi sur les cités et villes, notamment au niveau des appels d'offres entre autres. Je voulais qu'on soit transparents, qu'on applique la Loi d'accès à l'information.»

Depuis un an, la SHDM choisit en effet ses partenaires après des appels d'offres. La société annonce son intention de participer à la construction d'un certain nombre de copropriétés, selon ses critères habituels, notamment pour redynamiser des secteurs de Montréal ou offrir des résidences à moindre coût. Le programme Accès Condos permet ainsi de devenir propriétaire avec une mise de fonds d'à peine 1000$. Le premier appel d'offres, à l'automne 2009, a suscité trois candidatures dont une a été retenue. Ce projet, dont la construction a commencé cet automne à Lachine, est officiellement devenu le premier à se concrétiser selon les nouvelles règles de la SHDM.

Au printemps dernier, un deuxième appel d'offres a connu un plus grand succès, avec huit soumissionnaires dont six ont été retenus. Un troisième appel d'offres sera lancé en janvier 2011, «et déjà des gens ont levé la main», signale le directeur général.

«Il n'y a pas grand défaut dans ce programme-là. C'est bon pour le promoteur, parce qu'il fait un profit garanti. C'est bon pour nous parce qu'on fait de l'argent qu'on n'aurait pas fait. Et c'est exceptionnel pour l'acheteur, qui n'aurait jamais pu acheter une maison.»