L'administration Tremblay a récemment retiré en douce au vérificateur général, Jacques Bergeron, la responsabilité de la ligne téléphonique qui permettait de signaler tout acte répréhensible en lien avec la gestion des affaires de la Ville, un geste qui a «ulcéré» ce fonctionnaire indépendant, a appris La Presse de plusieurs sources.

Ce service, mis sur pied en 2009, relèvera dorénavant du contrôleur général, Pierre Reid. Celui-ci est sous les ordres du directeur général, Louis Roquet, et du comité de vérification.

L'opposition a descendu en flammes hier cette décision, qu'elle a qualifiée d'«inacceptable» et de «dangereuse». «C'est incroyable, ça sent la vindicte à plein nez», a dit Louise Harel, chef de Vision Montréal.

«Le vérificateur général est la seule institution totalement indépendante, le seul qui peut déclencher une enquête sans demander la permission», a dit le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron. Le contrôleur général, Pierre Reid, qui a écrit une lettre dans La Presse en juin dernier pour défendre Gérald Tremblay, «est notoirement un fidèle parmi les fidèles du maire», selon M. Bergeron.

Le maire Tremblay a expliqué qu'il avait pris cette décision pour des raisons de coût et d'efficacité. «Le vérificateur voulait 650 000$ pour la ligne éthique, le contrôleur le fait à 325 000$ - la moitié, a-t-il déclaré à La Presse. En cinq ans, on vient d'épargner 1,6 million.»

C'est le contrôleur général qui, de toute façon, héritait des enquêtes ouvertes à la suite des informations obtenues par cette ligne, a-t-il ajouté. «Le vérificateur donnait tout le travail au contrôleur.»

Jacques Bergeron compte faire une déclaration lundi, a-t-on précisé hier à son bureau. La Presse a appris de sources sûres qu'il a perçu la perte de la gestion de la ligne éthique comme un «désaveu» et une véritable «déclaration de guerre» de l'administration Tremblay. «C'est la goutte qui fait déborder le vase. M. Bergeron est furieux», a résumé un responsable. Depuis 2002, le nombre d'employés au bureau du vérificateur est passé de 41 à 26. Dans le budget présenté mercredi, le service du contrôleur général passe, lui, de 9 à 22 employés à temps plein. Il est sous la supervision du comité de vérification, composé de deux experts comptables non élus, de deux conseillers du parti de maire, de deux maires de villes défusionnées et d'un représentant de l'opposition, Pierre Lampron.

«Je ne suis pas en guerre contre le vérificateur général, a affirmé le maire Tremblay. Le travail est fait par le contrôleur, mais toute l'information est donnée au vérificateur général.»

Un vérificateur dérangeant

La ligne éthique a été instaurée en 2009 alors que se succédaient les controverses à l'hôtel de ville. Elle visait à permettre aux employés et aux fournisseurs de la Ville de dénoncer des gestes comme les pots-de-vin, la falsification ou la destruction de documents et le détournement de fonds. Le printemps dernier, dans une lettre envoyée aux élus, le vérificateur général s'était plaint du financement qu'on lui avait accordé, 325 000$, alors qu'il en réclamait le double.

Depuis qu'il a remplacé Michel Doyon, en juin 2009, Jacques Bergeron a plusieurs fois mis l'administration Tremblay sur la sellette. Il a commencé dès le mois de septembre 2009 avec un rapport dévastateur sur le contrat des compteurs d'eau. Il a ensuite alerté la police concernant des irrégularités dans un contrat de téléphonie et a accusé le directeur général, Louis Roquet, d'avoir commis une «transgression très grave» en remettant à TELUS un rapport confidentiel alors qu'une enquête à son sujet était en cours.

M. Bergeron en a remis lorsqu'il a été convoqué à l'hôtel de ville dans cette affaire, contredisant tour à tour le maire, le directeur général et deux hauts fonctionnaires, dont Pierre Reid.