«Sournois», «malhonnête», «manipulateur»: les mots n'ont pas manqué au chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, pour décrire le projet de reconstruction de l'échangeur Turcot.

Le chef du deuxième parti de l'opposition à l'hôtel de ville a carrément qualifié de «trahison» l'attitude du maire Gérald Tremblay, qui avait appuyé et présenté en avril dernier un tout autre projet. Appuyé par les deux chefs de l'opposition, le maire avait notamment suggéré de réduire de 35% la circulation routière. «C'est un jour noir pour les Montréalais. Gérald Tremblay s'est écrasé devant le ministère des Transports, il a rejoint sa famille politique, il a renié son propre projet, a fulminé M. Bergeron. Il a laissé tomber les Montréalais. Quelle trahison de la population, de sa fonction!»

Si Projet Montréal gagne les prochaines élections municipales, en 2013, il jettera ce projet aux ordures, a-t-il promis. Il estime que toute la présentation du projet, de la superbe vidéo aux maquettes, est «un nouveau sommet dans l'art de la manipulation». Le projet présenté hier matin est en substance le même que celui que traîne le MTQ depuis quatre ans, assure-t-il. Le tram-train, la piste cyclable, les espaces verts supplémentaires, «ce n'est qu'une formidable fumisterie».

Le ton était un peu moins emporté du côté de l'autre parti de l'opposition, Vision Montréal. La chef, Louise Harel, a déploré que ce projet «divise des quartiers». Elle s'est elle aussi moquée des jolies vidéos promotionnelles, un «merveilleux monde virtuel qui n'a rien à voir avec la réalité». Si la voie réservée aux transports en commun est une initiative louable, elle est cependant plombée par le fait qu'aucune mesure concrète de financement de projets n'a été annoncée.

Grogne populaire

Le «nouveau» projet n'a pas non plus trouvé grâce auprès de ceux qui s'y opposent depuis le début, les résidants du secteur. «Ils semblent avoir plus travaillé sur leur stratégie de communication que sur le fond, dénonce Valérie Simard, de l'organisme Mobilisation Turcot. Même le maire semble y aller à reculons... Nous, on voit ça comme un abandon de tout ce que la Ville avait défendu depuis le début.»

La centaine de ménages qui seront expropriés et le maintien de la capacité de circulation dans l'échangeur sont des éléments «inacceptables» de ce projet, estime la porte-parole.

Des 106 ménages qui seront déplacés, 98 logent dans un vieil édifice industriel, au 780, rue Saint-Rémi. Rencontré hier matin à cet endroit, l'architecte et designer Pierre Zovilé, qui y loue un loft, ne décolérait pas. «Ça me fâche de quitter cet espace, il était adapté à mes activités professionnelles. On s'attaque à mon gagne-pain.» Son voisin Pierre Brisset, également architecte, affirme avoir conçu une quinzaine de tracés de rechange qui auraient épargné l'immeuble. Aucun n'a été considéré. «Ils ont raté l'occasion de revoir les problèmes de congestion.» M. Zovilé renchérit: «Des autoroutes comme ça, ça date des années 50, on n'est plus supposés en avoir.»

À la conférence de presse, le critique péquiste en matière de transports, Nicolas Girard, a reconnu que le nouveau projet est meilleur que la version annoncée il y a quatre ans. Il a toutefois deux objections: «On va donner 3 milliards en contrats et personne n'indique comment va se faire l'attribution. Et on annonce une voie réservée, peut-être même un tram-train, mais il n'y a pas de projet précis, pas de fonds supplémentaires pour les mettre en fonction.»

Par communiqué, le Conseil régional de l'environnement de Montréal et Équiterre ont déclaré «voir d'un bon oeil» les mesures en faveur des transports collectifs. Ils estiment toutefois que le maintien de la capacité de l'échangeur ne permettra pas à la métropole d'atteindre ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, qui sont de 30% d'ici à 2020.