Les défenseurs du patrimoine se battent depuis 30 ans pour la protéger. À deux reprises, elle a échappé de justesse au pic des démolisseurs. Cette fois-ci, à moins d'une mobilisation citoyenne, la maison Redpath pourrait ne pas avoir la même chance.

Hier soir, les conseillers de l'arrondissement de Ville-Marie ont adopté à la majorité une résolution qui autorise la démolition de la maison construite en 1886 par la riche famille écossaise Redpath, tout près de l'actuel Musée des beaux-arts.

L'arrondissement a donné par la même occasion le feu vert à la construction d'une tour de copropriétés de 25 mètres, de 7 étages et de 17 logements. La résolution contient donc une série de dérogations au règlement d'urbanisme, qui empêche normalement toute construction qui dépasse 16 mètres et 3 étages.

Le projet des propriétaires Amos et Michael Sochaczevski prévoit la démolition quasi complète des vestiges de la maison Redpath, même si le Conseil du patrimoine de Montréal a publié, le 27 septembre dernier, un avis défavorable à la destruction d'un des derniers exemples des maisons cossues du Golden Square Mile.

Les conseillers d'Union Montréal, qui forment la majorité dans Ville-Marie, ont expliqué qu'ils avaient appuyé la résolution dans l'espoir que les citoyens se mobilisent et demandent la tenue d'un référendum. Selon eux, les promoteurs refusent de modifier leur projet, de réduire le nombre d'étages et d'intégrer une partie des vestiges.

«On doit établir un rapport de force avec le promoteur, a noté le maire de Montréal et de l'arrondissement, Gérald Tremblay. Toutes les démarches administratives ont été faites. Le promoteur ne bouge pas.»

Cet argument n'a pas convaincu les deux conseillers de l'opposition que compte l'arrondissement. François Robillard, de Vision Montréal, et Pierre Mainville, de Projet Montréal, ont tous deux voté contre la résolution.

«Le raisonnement de l'administration Tremblay, c'est qu'il y aura ouverture d'un registre, puis référendum, a expliqué François Robillard. Mais c'est à l'arrondissement de décider que ce projet ne passe pas. On appelle ça mettre ses culottes!»

«C'est pas facile de ramasser 200 quelques noms en peu de temps pour obtenir un référendum, a lancé Pierre Mainville, avant de voter contre la résolution. Ce n'est vraiment pas évident pour les citoyens.»

La décision de Ville-Marie de donner le feu vert à la destruction de la maison Redpath a été très mal reçue à Héritage Montréal. Grâce à une injonction, l'organisme avait réussi à sauver le bâtiment patrimonial in extremis en 1986. Il n'avait toutefois pu empêcher les deux tiers du manoir d'être détruits. Plus tard, en 2001, le groupe s'était opposé avec succès à l'administration du maire Pierre Bourque, qui avait donné le feu vert à la démolition.

«C'est malhonnête. La tactique, c'est toujours de renvoyer sur le citoyen le fardeau de la preuve, a dénoncé Dinu Bumbaru, d'Héritage Montréal. Les élus sont censés être les gardiens des règles en matière d'urbanisme. Finalement, ça donne l'impression qu'ils s'en lavent complètement les mains.»