Avec ses 15 000 artistes, son demi-million de membres de minorités visibles et ses 628 brevets d'invention, Montréal est une ville d'un dynamisme «unique», une métropole «remarquable» reconnue pour sa qualité de vie.

Mais c'est en même temps une ville affligée de problèmes sérieux et persistants, révèle le dernier bilan de santé publié hier par la Fondation du Grand Montréal. Ses immigrants sont plus frappés par le chômage que ceux des autres grandes villes canadiennes, sa population est peu diplômée et les inégalités de revenu sont criantes.

«Montréal a perdu depuis longtemps son statut de métropole du Canada, mais c'est une ville importante, capable de briller en entrepreneuriat social et dans les arts et la culture», résume Simon Brault, président de Culture Montréal.

La ville doit toutefois être «extrêmement consciente» des inégalités sociales sur son territoire, précise-t-il, même si celles-ci ont permis de développer un réseau de solidarité sociale impressionnant. «C'est une ville remarquablement résiliente. Quand on arrive dans une période de déclin de croissance, ce que nous réservent probablement les prochaines années, c'est une qualité immense que d'avoir ce système de solidarité sociale.»

Intitulé «Signes vitaux», ce rapport sur la grande région de Montréal, qui inclut Longueuil, Laval, les couronnes nord et sud, en est à sa dixième édition. Il se veut une synthèse de centaines de statistiques des 10 dernières années, surtout extraites des recensements et d'études de Statistique Canada.

Culture et Montréalais timides

Un des quatre orateurs invités à la présentation d'hier, Simon Brault a notamment relevé que le secteur culturel est en forte croissance dans la région métropolitaine: ses 96 910 emplois directs en 2008 représentent 5,1% des emplois montréalais. Dix ans plus tôt, cette proportion était de 3,9%. La répartition des revenus est cependant «incroyable», note-t-il, 20% des artistes accaparant 80% des revenus.

Quant à l'ouverture des Montréalais envers leurs artistes, elle est toujours aussi timide: à peine 25% d'entre eux se sont rendus à un événement théâtral ou musical professionnel dans les 12 derniers mois, selon la dernière enquête de Statistique Canada datant de 2005. Et moins du tiers des Montréalais (29,8% en 2007) sont abonnés à une bibliothèque, presque deux fois moins que les Vancouverois (57,1%) et les Torontois (47,4%).

Pour Aida Kamar, présidente fondatrice de Vision Diversité, un organisme qui promeut les échanges entre artistes de toutes origines, c'est l'intégration des nouveaux arrivants qui est le principal défi qui attend Montréal. «Dans notre quotidien, la diversité est là, dans la nourriture, dans les mariages mixtes. Et pourtant, il y a des signes inquiétants, notamment en ce qui concerne le chômage.» De 604 000 en 2006, le nombre de membres de minorités visibles passera à 1,5 million en 2031. Si on le compare à celui des personnes nées au pays le taux de chômage des immigrants récents est 3,5 fois supérieur dans la grande région de Montréal -alors qu'il est de 1,9 fois supérieur au Canada.

«Ce qu'il faut, ce n'est pas de la discrimination ou des accommodements raisonnables ou déraisonnables, mais des opportunités, estime Mme Kamar. Nous ne pouvons plus regarder l'immigration avec le même regard.»

Créée en 1999, la Fondation du Grand Montréal est un organisme de bienfaisance qui distribue environ 1,5 million de dollars par année, grâce à ses fonds de dotation totalisant plus de 100 millions. Son rapport annuel est notamment utilisé pour établir les secteurs et identifier les organismes qui ont besoin de financement.

Points saillants

> En 2009, la grande région de Montréal regroupe 3,8 millions de personnes, soit près de la moitié (48,7%) de la population du Québec.

> Avec 26,5% de sa population de 25 à 64 ans détentrice d'un diplôme universitaire en 2006, Montréal se classe 29e parmi 31 régions métropolitaines d'Amérique du Nord.

> Parmi 215 grandes villes du monde, en 2009, Montréal occupe le 22e rang pour sa qualité de vie et le 15e pour ses infrastructures.

> En 2008, 18% de la population de la grande région vit sous le seuil de faible revenu - la plus forte proportion des métropoles canadiennes.

> En janvier 2010, dans l'île, le coût d'une saine alimentation est estimé à 6,90$ par jour par personne pour une famille type; il s'agit d'une augmentation de 26% en cinq ans.

> En 2009, 16,6% des adultes de la grande région sont obèses. Toronto (13,9%) et Vancouver (11,5%) font mieux à cet égard.

> En 1971, l'âge moyen auquel les enfants de l'île commençaient à regarder la télévision était de 4 ans; il a chuté à 5 mois.

> Dans l'ensemble, la criminalité attribuable aux gangs de rue représente 1,6% des actes criminels commis sur le territoire montréalais en 2009; les gangs sont cependant responsables de 16% des homicides et de 35% des tentatives de meurtres.

> En 2008, chacun des résidants de l'île a nécessité l'élimination de 330 kg d'ordures ménagères.

> En 2009, 54,9% de la population de la grande région se reconnaît un fort sentiment d'appartenance à son milieu; la moyenne est de 65,4% pour le Canada et de 56,4% pour le Québec.

- Source: Signes vitaux du Grand Montréal 2010