Sécur-Action vient d'obtenir le contrat de surveillance du palais de justice de Montréal et du centre de services judiciaires Gouin, grâce à des prix défiant toute concurrence. Ses agents sont entrés en fonction le 16 août.

Sécur-Action est cette agence à qui l'ancien chef du Service de police de Montréal, Yvan Delorme, avait confié la surveillance du quartier général et d'autres locaux du SPVM, en mai dernier. À la suite d'une enquête, le nouveau chef, Marc Parent, a décidé lundi de ne pas lui accorder le contrat qu'elle venait d'emporter.

Sécur-Action fait aussi la surveillance du quartier général de la Sûreté du Québec, rue Parthenais, et de l'édifice où se trouvent les locaux de Marteau, l'escouade de la SQ spécialisée dans les enquêtes sur la construction et la corruption. Mardi, le directeur de la SQ, Richard Deschesnes, a dit qu'il avait commencé des «vérifications de bonnes moeurs» sur l'agence.

Le 15 juillet dernier, le ministère de la Sécurité publique a lancé un appel d'offres pour des services de gardiennage au palais de justice de Montréal et au centre de services judiciaires Gouin, bâtiment qui a été construit spécifiquement pour les procès des membres du crime organisé.

Le Ministère a donné un délai de seulement 15 jours pour recevoir les offres. Sécur-Action a remporté le contrat, pour 1 423 200$. Ce montant doit couvrir les frais de 75 000 heures de travail de 12 à 20 agents. Cela revient à 18,98$ l'heure, un prix jugé très bas dans l'industrie.

Le salaire horaire d'un agent de sécurité est fixé par décret gouvernemental à 14,35$ l'heure. À ce tarif, il faut ajouter les avantages sociaux, comme la Régie des rentes, l'assurance emploi, mais également les frais d'administration (assurances, uniformes des agents, etc.).

Ces frais correspondent au minimum à de 35% à 39% du salaire horaire, calcule-t-on dans l'industrie, ce qui ramène le tarif minimum pour atteindre le seuil de rentabilité à 19,37$ pour un patrouilleur. Autrement dit, à 18,98$, le contrat peut difficilement être rentable.

Alors, pourquoi soumissionner à ce prix? La relationniste embauchée par l'agence, Odette Côté, a dit qu'il s'agissait d'un prix serré, mais raisonnable. «Nous sommes depuis à peine cinq mois dans le marché ultracompétitif des contrats publics, a-t-elle dit. La seule façon de percer est d'avoir un seuil de rentabilité le plus bas possible. La compagnie Sécur-Action pratique une gestion très serrée. D'un point de vue administratif, c'est un vrai travail de moine qui a été fait.»

Comment une agence en qui le SPVM a perdu confiance peut-elle assurer la surveillance d'un lieu aussi stratégique qu'un palais de justice? «On ne fera aucun commentaire sur cette question, a dit hier Mario Vaillancourt, le porte-parole du ministère de la Sécurité publique. Le processus de signature du contrat est en cours, mais on attend le résultat des vérifications de la SQ. Selon le résultat, on prendra les décisions qui s'imposent.»

Odile Côté a dit que le SPVM n'avait pas donné d'explications pour justifier sa décision de renvoyer Sécur-Action. «Selon nos sources, notre dossier est vierge, a-t-elle dit. On nous a dit de ne pas nous inquiéter.»

Éric Beaupré, propriétaire de Sécur-Action, est aussi le propriétaire des agences Strict et Serca. Au cours d'un entretien, hier, il a indiqué qu'il n'assurait plus le gardiennage de chantiers de construction «depuis un an», et qu'il n'avait pas de liens avec des firmes qui pourraient faire l'objet d'enquêtes par l'escouade Marteau. Selon nos sources, ces relations d'affaires passées font partie des éléments qui ont intéressé les enquêteurs de la Ville de Montréal et du SPVM.

L'appel d'offres emporté par Sécur-Action pour le palais de justice et le centre Gouin stipule qu'il «s'agit d'opérer une console de sécurité comprenant un système de détection d'incendie, alarme intrusion, contrôle ascenseur et surveillance par caméra 24/24 sept jours par semaine».

«Les agents devront contrôler l'accès des sous contractants et le contrôle des clefs. Ils devront être en mesure d'opérer des points de contrôle et de fouilles et d'effectuer à l'occasion le maintien de l'ordre et le décorum dans les salles d'audience et d'effectuer des patrouilles dans l'édifice comprenant des rondes de surveillance et de détection. Des services peuvent, par ailleurs, être requis en dehors des heures ouvrables notamment pour la surveillance de travaux d'entretien et de réparation.»

Le contrat se terminera le 31 mars 2013 ou lorsque les 75 000 heures prévues auront été effectuées. La répartition est de 71 000 heures au palais de justice de Montréal, et de 4000 heures au centre judiciaire Gouin. Le contrat prévoit un service de patrouille sur appel de l'ordre d'environ 90 appels.