Sans obtenir l'aval préalable des élus, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a conclu une «entente de partenariat» avec une entreprise privée, l'an dernier, en vue de commercialiser un service de bracelets GPS destiné aux personnes vulnérables, a appris La Presse.

«C'est un autre exemple de la culture du secret qui règne à la direction actuelle du SPVM, a déploré jeudi Marc-André Gadoury, conseiller municipal de Projet Montréal et porte-parole en matière de sécurité publique. On est vraiment content que l'ère Delorme soit terminée.»

Le porte-parole du comité exécutif de la Ville de Montréal, Bernard Larin, a confirmé que le projet des bracelets GPS n'a jamais été présenté formellement aux élus. «S'il y a une entente, elle n'a pas été transmise au comité exécutif», a-t-il dit.

À la veille de la retraite de son directeur sortant, Yvan Delorme, le SPVM souhaite maintenant recevoir l'approbation du comité exécutif, qui est nécessaire à l'envol du projet. Rien n'est toutefois gagné: selon nos sources, sa nature suscite des interrogations sur le plan juridique.

Pourtant, le SPVM travaille au dossier depuis près d'un an. Le produit est pratiquement terminé, affirme Marie-Laurence Fortin, directrice des communications de la firme partenaire, E-For Technologies. «Le lancement doit avoir lieu cet automne», a-t-elle indiqué à La Presse.

Selon Mme Fortin, le bracelet GPS d'E-For Technologies permet par exemple de localiser rapidement une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer. S'il est doté d'un bouton d'urgence, il peut aussi servir à appeler rapidement les secours.

«Il existe des produits de ce type en Europe et aux États-Unis, a expliqué Mme Fortin. Là où le nôtre est novateur, c'est qu'il est directement relié au centre d'appels de la police par logiciel.»

Selon Marie-Laurence Fortin, plusieurs employés du SPVM ont collaboré au projet, dont l'assistant-directeur Réjean Toutant. Elle précise que la police n'a investi aucune somme d'argent dans le projet. Le SPVM n'était donc pas tenu de lancer un appel d'offres.

Cette collaboration rapporterait des bénéfices au SPVM, qui toucherait un pourcentage des ventes. L'initiative s'inscrirait donc dans l'épineux dossier de la commercialisation des services.

E-For Technologies, une firme de Pointe-Claire, a été constituée en septembre 2009 uniquement pour sa collaboration avec le SPVM, selon Mme Fortin. Son président, Érik Fortier, est spécialisé en vente et en service à la clientèle, selon le site Internet de sa société.

Flou juridique

La nature du partenariat entre le SPVM et E-For est sans précédent à Montréal. Selon nos sources, le projet ne serait pas totalement compatible avec les règlements de la Ville de Montréal. Le contentieux du SPVM se serait notamment penché sur le dossier.

Quels sont les points en litige? Le SPVM a refusé jeudi de commenter tout aspect du dossier au motif qu'il est encore l'objet d'une «évaluation».

Selon Jean Hétu, avocat-conseil en droit municipal, le projet soulève à première vue «des questions de droit» sur le plan de la commercialisation des services policiers. «En principe, les services de sécurité publique sont gratuits», a-t-il rappelé. Or, les gens devront payer pour le bracelet.

Me Hétu se questionne également sur l'»entente de partenariat» entre le SPVM et E-For Technologies. «Elle n'a probablement aucune valeur juridique, a-t-il dit. Tout ce qui peut lier une municipalité, c'est une résolution du comité exécutif ou du conseil.» E-For n'aurait donc aucun recours juridique si la Ville se retirait du projet.

Si le contentieux juge que le projet est illégal, le comité exécutif pourrait toutefois modifier la charte de la Ville pour le rendre acceptable, selon Jean Hétu.

L'hiver dernier, deux Montréalaises atteintes de la maladie d'Alzheimer sont mortes de froid après s'être perdues. Le SPVM avait alors confié à The Gazette qu'il songeait à offrir des bracelets GPS aux personnes vulnérables mais qu'il devait d'abord étudier les aspects éthiques et juridiques d'une telle initiative.