L'annulation de la 36e Carifête ne fait pas la joie des Montréalais d'origine caribéenne. À l'unanimité, la communauté accuse la Ville de ne pas avoir pris ses responsabilités en préférant annuler la fête plutôt que de trancher pour l'un ou l'autre des deux groupes rivaux (CCFA et MCDF) qui en revendiquent l'organisation.

Voilà peut-être, ironiquement, le seul point sur lequel la CCFA (Association des festivités culturelles des Caraïbes) et la MCDF (Fondation de développement du carnaval de Montréal) sont d'accord: l'administration Tremblay a très mal géré ce dossier. Déjà, l'an dernier, la Ville avait momentanément acheté la paix en donnant aux deux groupes le permis de défiler, ce qui n'avait fait le bonheur de personne. Pour les parties en cause, l'annulation du défilé est un comble.

«La Ville a géré toute cette histoire de façon proprement irresponsable, clame Henry Antoine, président de la MCDF. Qu'elle prenne une décision et on s'y tiendra.»

«Le problème n'est pas tant l'annulation du défilé que la façon dont la Ville a évité de prendre une décision. Cela fait plus d'un an qu'elle est au courant du dossier. Pourquoi n'a-t-elle pas agi?» demande Keeton Clarke, porte-parole de la CCFA.

La Ville aurait-elle dû faire un choix pour le bien de tous? Pas nécessairement, se défend Mary Deros, responsable des communautés d'origines diverses au comité exécutif. «Si on avait tranché, il y aurait encore eu de la chicane et on aurait encore blâmé la Ville.»

Organisations rivales

Tout semble pourtant pointer en faveur de la CCFA. Créée il y a 35 ans, cette organisation est la seule qui soit légitimement habilitée à réclamer la subvention de 30 000$ allouée annuellement à la Carifête. Réuni en septembre dernier à l'initiative de la Ville, un comité de «sages» de la communauté s'est par ailleurs clairement prononcé en faveur de la CCFA.

«Pourquoi nous demander conseil s'ils n'en tiennent pas compte? déplore le fondateur du Black Theater Workshop, Clarence Bayne, qui faisait partie du groupe. C'est pourtant l'évidence. La vaste majorité de la communauté caribéenne de Montréal soutient la CCFA. Et pour être honnête, je ne connais pas grand monde qui appuie M. Antoine et la MCDF. Mais pour une raison qui m'échappe, cet homme a créé l'illusion à l'hôtel de ville que plusieurs personnes étaient prêtes à le suivre. Pour ce que j'en sais, c'est tout le contraire.»

En résumé, Henry Antoine a créé la MCDF au début de 2009 après avoir présidé la CCFA pendant quelques années. De jeunes Antillais ont repris les rênes de la CCFA en espérant remettre la Carifête sur les rails après plusieurs années financièrement chaotiques sous la direction d'Henry Antoine - qui avait d'ailleurs été publiquement critiqué par le maire Tremblay en 2008.

Jusqu'ici, la Ville s'est contentée d'encourager la médiation et la réconciliation des deux camps. Mais il semble que la situation ait dépassé le point de non-retour. Les deux parties se retrouveront en Cour supérieure du Québec et un juge devrait trancher pour de bon le 28 juin.