Le maire de Montréal, Gérald Tremblay, a annoncé, hier, la suspension de la vente très contestée d'un jardin communautaire du centre-ville à une société à numéro dirigée par un vendeur de voitures d'occasion, qui a l'intention d'y construire des appartements en copropriété de luxe.

Le comité exécutif de la Ville avait approuvé le principe de la vente du terrain, situé rue Berger, près du boulevard Saint-Laurent, au sud de la rue Sainte-Catherine, à la société 9159-9092, sans procéder à un appel de propositions.

 

Cette entreprise appartient à Krikor Hairabedian, propriétaire de la société Encan Direct H. Grégoire, de Saint-Eustache. La vente devait se faire pour 425 000$.

M. Hairabedian et Encan Direct H. Grégoire ont fait parler d'eux, il y a quatre ans, lorsqu'ils ont plaidé coupable à 20 chefs d'accusation pour des infractions à la Loi sur la protection du consommateur. L'Office de la protection du consommateur reprochait à la société et à son président d'avoir fait des «représentations fausses ou trompeuses» à leurs clients. Des amendes passablement élevées de 33 420$ leur avaient été imposées.

M. Hairabedian, à qui il a été impossible de parler, n'a pas d'expérience connue en promotion immobilière. David Trunzo, vice-président du Groupe CTC, entreprise de construction résidentielle de LaSalle, a dit qu'il allait s'associer à sa société à numéro, mais il n'en est toujours pas actionnaire.

L'année dernière, 9159-9092 avait acheté des terrains adjacents aux jardins communautaires, à l'angle des rues Berger et Charlotte. L'acte de vente avait été signé par Serguei Minassian, collaborateur de M. Hairabedian. Selon nos informations, un autre promoteur s'était montré intéressé à les acquérir, mais il avait décidé de retirer son offre d'achat après l'intervention d'un important entrepreneur de Laval qui a plusieurs contrats de travaux publics avec la Ville de Montréal.

Quartier des spectacles

Ce secteur de la ville est en pleine restructuration. Négligé pendant des années, il pourrait connaître un essor sans précédent avec l'aménagement du Quartier des spectacles. Le jardin communautaire et les terrains vagues qui l'entourent sont situés à un jet de pierre du 2-22, un immeuble qui sera utilisé à des fins culturelles. Les appartements prévus dans la rue Berger se vendront environ 300$ le pied carré.

L'annonce de la vente du jardin communautaire a toutefois provoqué de vives protestations parmi les comités de citoyens du quartier. Éric Michaud, coordonnateur au Comité logement Centre-Sud, s'en est scandalisé. Selon lui, la Ville s'apprêtait à «éliminer un jardin communautaire (et) à céder un terrain public lui appartenant dans un secteur où les besoins en logements sociaux sont très importants». Une citoyenne du quartier a interrogé le maire à ce sujet à l'assemblée du conseil municipal, hier soir.

À la surprise générale, Gérald Tremblay a répondu que la vente était suspendue pour un an.

Logement communautaire

«On va retirer ce dossier du conseil municipal de ce soir pour donner l'opportunité au promoteur de discuter avec les groupes communautaires et voir s'il n'y a pas moyen de faire du logement communautaire, a dit le maire. En ce qui concerne les jardins, on prend en considération votre question. Vous avez au moins un répit d'un an sur le projet, et on verra s'il y a une possibilité de relocalisation, dépendamment des discussions qui auront lieu avec les groupes du quartier.»

- Avec la collaboration de Martin Croteau