Jouer au hockey dans la rue avec une douzaine d'enfants peut coûter cher - et on ne parle pas ici des collations. Un père de Dollard-des-Ormeaux, David Sasson, l'a appris à la dure le 13 mars dernier. En vertu d'un vieux règlement jamais appliqué, il a reçu une contravention de 75$ à la suite de la plainte d'un voisin excédé par le vacarme.

Non seulement M. Sasson entend-il contester l'amende, mais il a aussi lancé un mouvement qui a fait boule de neige. Une pétition dénonçant le règlement municipal et une page Facebook ont reçu l'appui de près d'un demi-millier de parents. «Les enfants sont de plus en plus obèses, ils restent à côté de leur Xbox et on devrait leur expliquer qu'ils n'ont pas le droit de jouer dans la rue? C'est ridicule», explique M. Sasson.

 

La mobilisation a culminé hier soir avec le rassemblement de plus de 200 citoyens près de l'hôtel de ville de Dollard-des-Ormeaux. L'équipe de hockey d'une station de radio anglophone de Montréal a affronté des enfants dans le stationnement de l'édifice.

Comme la plupart des municipalités au Québec - Montréal n'y fait pas exception -, Dollard-des-Ormeaux a un règlement interdisant aux enfants de jouer dans la rue. Adopté en 1978 et mis à jour en décembre dernier, l'article 24 du Règlement municipal 09-053 sur la circulation et le stationnement «n'a jamais été appliqué», confirme Jack Benzaquen, directeur général.

«Tout le monde utilise son jugement, précise-t-il. Mais là, on s'est retrouvé avec un citoyen qui a décidé de tenir tête. Dans tous les autres cas, on avait trouvé un compromis.»

Le 13 mars dernier, vers 13h, M. Sasson jouait au hockey dans le croissant de rue devant chez lui avec une dizaine d'enfants (dont son fils de 7 ans) et cinq adultes - 17 personnes au total. «Tout ce monde a du plaisir et c'est bruyant», rapporte M. Benzaquen.

«Nous jouions pour la première fois de l'année, mais, l'an dernier, on le faisait presque tous les week-ends, dit David Sasson. À Dollard-des-Ormeaux, tout le monde joue dans la rue, c'est notre passe-temps national. On n'était pas une bande de jeunes en train de fumer et de boire, on était avec des enfants qui jouaient au hockey.»

Une voisine a porté plainte à cause du bruit. L'agent de la sécurité publique dépêché sur les lieux a sommé le groupe d'aller jouer dans l'un des parcs voisins. M. Sasson a refusé. Il raconte: «Il m'a dit que c'était contre la loi. Je lui ai dit: «C'est ridicule. Donne-moi ta contravention et on va continuer de jouer.» Toute cette histoire a duré 45 minutes. Il est passé une voiture pendant tout ce temps.»

Ce n'est pas le hockey de rue qui est en cause dans cette affaire, affirme Jack Benzaquen. «C'est plus une dame qui appelle notre sécurité publique pour le bruit, dit le directeur général. On aurait pu utiliser un règlement sur le bruit, mais il faut en mesurer l'intensité, et notre patrouilleur n'était pas là pour se cacher et prendre des mesures.»

Le match de hockey a donc été interrompu, mais le père de famille a décidé de se lancer dans une autre arène. Le lundi suivant, il a appelé un journaliste de la station de radio CJAD, qui a consacré presque tout l'après-midi à cette affaire. «Ils ont reçu 50 appels rien que là-dessus!» D'autres médias anglophones ont parlé de l'irritation des citoyens, jusqu'au rassemblement d'hier soir devant l'hôtel de ville.

Un appui de taille

La Coalition québécoise sur la problématique du poids a donné son appui à M. Sasson et a fait part de son inquiétude à la municipalité dans une lettre. «On a été aussi surpris que les parents dans cette histoire-là, dit Amélie Desrosiers, porte-parole de la coalition. On découvre que la plupart des municipalités ont un règlement de ce type, qui n'est pas appliqué, et c'est tant mieux.»

Le demi-millier de citoyens qui ont signé la pétition ne demandent pas l'annulation du règlement, précise M. Sasson. «Jouer dans la rue Jean-Talon ou sur la Métropolitaine, O.K., c'est interdit. Mais soyons logiques: dans certains endroits, avec des adultes qui supervisent, laissons nos enfants jouer dehors.»