La Société d'habitation et de développement de Montréal (SHDM) attend toujours que Construction Frank Catania lui fournisse les factures de la décontamination du terrain du Faubourg Contrecoeur, ce projet immobilier de l'est de l'île qui s'est retrouvé au coeur d'un scandale qui a ébranlé l'organisme public dans les derniers mois.

Le directeur général de la SHDM, Guy Hébert, a fait cette révélation au cours d'une entrevue exclusive accordée à La Presse pour faire le point sur les réformes entreprises par l'organisme.

 

«Dans quelques jours, on va savoir s'ils nous livrent les documents comme il faut, a-t-il indiqué. Sinon, on va s'entendre par les voies normales lorsqu'il y a une mésentente concernant l'interprétation des contrats», a-t-il affirmé.

Par l'entremise de la SHDM, la Ville de Montréal a vendu au promoteur cet immense terrain à l'est de l'autoroute 25. L'évaluation municipale était de 31 millions de dollars, mais la SHDM l'avait vendu selon l'évaluation marchande de 19 millions. Elle a déduit de ce prix divers frais, dont 11 millions pour la décontamination.

Or, les enquêtes qui ont suivi les révélations de La Presse sur ce dossier ont établi que la décontamination pourrait avoir coûté bien moins cher. «Les expertises que j'ai demandées me disent que ça vaut entre 5,9 et 7 millions», a indiqué M. Hébert, qui a été nommé directeur général après le congédiement de Martial Filion.

L'été dernier, il a donc exigé que Catania lui transmette toutes ses factures de décontamination. L'entreprise avait jusqu'au 31 janvier pour le faire, mais elle a demandé une prolongation de ce délai.

«De revenir en arrière et remonter l'ensemble des documents pour prouver une dépense, c'est un travail de moine, a reconnu M. Hébert. Ils devaient me les fournir au 31 janvier, ils m'ont demandé une prolongation jusqu'au 28 février.»

Le porte-parole de l'entreprise, Philippe Roy, assure que les documents seront bel et bien remis à temps. Il explique qu'il était difficile de les produire plus tôt en raison de la complexité de la demande de la SHDM.

«Ce sont des documents qui avaient été archivés parce que, pour nous, c'était réglé, a indiqué M. Roy. Et maintenant, on reçoit constamment de nouvelles demandes de la SHDM où il faut ressortir des documents, faire des photocopies, les classer, tout monter de façon à ce que les experts de la SHDM puissent passer au travers.»

Vérificateur interne

Par ailleurs, la SHDM se dotera bientôt d'un vérificateur interne, une mesure qu'avait recommandée le vérificateur général l'an dernier. La première tâche du vérificateur interne sera de passer en revue la manière dont la SHDM administre ses 4800 logements.

«Ces propriétés sont à nous, mais, par contrat, elles sont gérées par des organismes à but non lucratif, a expliqué Guy Hébert. Les premières observations que je fais, c'est que ça devrait être renforcé sur le plan des systèmes, des contrôles, des suivis.»

Le nouveau vérificateur va aussi analyser la manière dont la SHDM traite certaines hypothèques, en plus de s'assurer que les recommandations qu'a faites le vérificateur général l'an passé soient mises en application.

M. Hébert espère que le nouveau vérificateur interne pourra être embauché d'ici au mois d'avril. Cette mesure s'inscrit dans une série de démarches visant à remettre de l'ordre dans la société, qui a été égratignée par le vérificateur général et la firme Deloitte. Ils ont examiné une vingtaine de transactions immobilières, plus particulièrement celle du Faubourg Contrecoeur, et relevé plusieurs irrégularités, si bien que la Sûreté du Québec a ouvert une enquête.

En revanche, ces enquêtes ont aussi permis d'établir que les employés de l'organisme n'avaient aucun lien avec ceux qui seraient à l'origine des malversations, affirme M. Hébert.

«Il y a toujours une minorité qui cause des problèmes, a-t-il souligné. L'un des objectifs que j'avais, c'était de ramener la fierté dans l'équipe.»

Accès Condos modifié

L'administration Tremblay avait fusionné puis privatisé deux organismes publics pour former la SHDM. Dans la foulée du scandale qui a éclaboussé cette nouvelle entité à l'automne 2008, le maire a annoncé que la société redeviendrait publique. Un décret du gouvernement devrait officialiser ce nouveau statut au printemps.

Mais déjà, Guy Hébert affirme que la société est gérée comme une entreprise municipale. Elle procède désormais par appels d'offres pour déterminer quels promoteurs pourront bâtir des projets dans le cadre du programme Accès Condos. Un appel d'offres lancé en octobre permettra à un projet de voir le jour à Lachine. Un deuxième sera lancé en mai, cette fois avec des règles plus souples pour permettre à des promoteurs dont les projets requièrent des changements de zonage de soumissionner quand même.

«Avant, un promoteur venait voir le directeur général et disait «j'ai un beau projet», explique Guy Hébert. Puis, il sortait du bureau avec le sourire ou avec l'air malheureux. Ça se décidait entre quatre murs et on avait le droit de le faire. Aujourd'hui, on a dit qu'on lancerait des appels de propositions.»