Les taxes des contribuables montréalais bondissent de 6% et elles n'ont pas fini de grimper. Le fardeau fiscal augmentera autant pour les citoyens que pour les entreprises et les villes défusionnées, a annoncé le maire Gérald Tremblay, hier, en présentant son budget. Et la facture continuera de croître au rythme de l'inflation dans les prochaines années.

L'impôt foncier connaîtra une augmentation moyenne de 5,3% cette année. Pour une maison évaluée à 278 000$, la valeur moyenne des propriétés à Montréal, c'est une hausse de 154$.

 

Les propriétaires de certains arrondissements subiront une hausse encore plus marquée en raison des taxes locales. En calculant l'effet de ces prélèvements, le fardeau fiscal moyen des contribuables augmentera de 6%. Le maire confirme ainsi les informations que La Presse a révélées le 30 octobre dernier.

Questionné pour savoir si d'autres augmentations sont à prévoir dans les prochaines années, le maire a répondu oui sans détour.

«Nous sommes rendus à la limite du raisonnable, a-t-il affirmé. Quand on parle d'une augmentation au niveau de l'inflation, je ne peux pas, à moins que la conjoncture économique générale soit devenue exceptionnelle pour Montréal, dire de façon responsable qu'on n'augmentera pas le fardeau fiscal des contribuables.»

Pour la première fois, l'administration Tremblay utilise les pouvoirs de taxation que lui a conférés Québec en adoptant la loi 22. La Ville lève ainsi une taxe spéciale qui vise le parc de stationnement du centre-ville, mais qui devrait être refilée aux automobilistes.

La taxe, qui vise les stationnements intérieurs et extérieurs, prendra la forme d'un taux au mètre carré qui sera appliqué à la superficie totale des établissements. La mesure rapportera 20 millions dans les coffres municipaux, une somme qui servira à financer les transports collectifs.

Autre augmentation: celle des droits sur les mutations immobilières, qui sont communément appelés «taxe de bienvenue». Le taux passera de 1,5% à 2% sur les acquisitions qui valent plus de 500 000$, une mesure qui affectera surtout les propriétés cossues et les immeubles commerciaux et industriels.

En revanche, la taxe sur l'eau sera gelée et celle sur la voirie suspendue.

Les villes défusionnées recevront aussi une facture plus salée. Leur contribution pour les services d'agglomération tels que la police, les pompiers et les transports en commun augmente de 12,6%. Montréal essuiera le gros de la hausse, mais les banlieues de l'île devront allonger près de 40 millions supplémentaires.

Gérald Tremblay a d'ailleurs réclamé des sommes supplémentaires du gouvernement Charest pour l'aider à acquitter les dépenses d'agglomération. Si Québec n'intervient pas pour épauler la métropole, dit-il, les automobilistes devront payer une fois de plus.

«Si le gouvernement du Québec ne fait pas de gestes concrets pour nous donner du financement additionnel pour financer les investissements dans le transport en commun et les autres investissements, à ce moment il y aura un péage dans les plus brefs délais avec nos partenaires de la Communauté métropolitaine», a-t-il prévenu.

Le budget, le premier du maire depuis sa réélection en novembre, prévoit des dépenses de près de 4 milliards, une hausse de 6,5% par rapport à l'année dernière.

La récession est en grande partie responsable de la situation, ont indiqué le maire et son responsable des finances, Alan DeSousa. Le mauvais rendement des caisses de retraite des employés municipaux a obligé la Ville à dépenser davantage, tandis que les revenus qu'elle tire de ses propres placements baisse.

La chef de l'opposition, Louise Harel, souligne qu'un rapport sur les finances publiques présenté par le maire en septembre ne laissait guère entrevoir une telle impasse financière.

«On a le sentiment d'avoir été trompés, a-t-elle dénoncé. En relisant le rapport, on se demande ce qui s'est passé en trois mois pour que ce qui est décrit comme une situation qui est tout à fait sous contrôle devienne incontrôlable.»

Transports en commun

L'administration Tremblay versera une somme record pour financer les transports en commun. La contribution de la Ville à la Société de transport de Montréal (STM) bondit de 58 millions pour atteindre 390 millions. L'Agence métropolitaine de transport (AMT) recevra pour sa part 44 millions.

La Ville réserve aussi une somme de 120 millions pour les projets d'envergure tels que le réaménagement de l'autoroute Bonaventure.

Mais le maire n'a pas oublié les scandales qui ont ébranlé la fin de son dernier mandat. Il diminue les sommes prévues au Programme triennal d'immobilisations le temps d'ajuster le «processus de gestion» de la Ville. Et au lieu de faire appel à des consultants externes, la Ville recrutera des experts qui encadreront les appels d'offres et évalueront les soumissions, un investissement de 10 millions.

«Il s'agit d'un recul stratégique qui permettra à Montréal de devenir un exemple en matière d'attribution de contrats, de rigueur dans la gestion des investissements et d'éthique», a affirmé M. Tremblay.

Selon Louise Harel, le maire rate une chance en or de relancer l'économie de Montréal. Car en remettant à plus tard 360 millions en investissements, il risque de manquer la chance de profiter des programmes de stimulation économique lancés par Québec et Ottawa.

«C'est à la fois une augmentation de taxes qui fait neuf fois l'inflation et c'est 360 millions d'investissements en moins sous prétexte qu'ils doivent revoir les règles d'attribution des contrats.»