La Ville de Montréal a ouvert une enquête interne sur le détournement d'une subvention accordée en 2008 par l'arrondissement de Ville-Marie à une organisation culturelle, mais qui aurait servi en fait à dépanner un autre organisme, la Fête des aînés, dont l'un des dirigeants était aussi le directeur des communications de l'arrondissement de Ville-Marie, Jean-Yves Duthel.

Le directeur de l'arrondissement, Alain Dufort, a confirmé à La Presse que la direction du capital humain de la Ville de Montréal avait été saisie de l'affaire. M. Dufort a été alerté, cet automne, par le président de la Société pour promouvoir les arts gigantesques (SPAG), René Jacques. Ce dernier aurait alors admis avoir participé à une manoeuvre de détournement d'une subvention de 15 000$ à la demande de Jean-Yves Duthel.

«C'était à l'automne 2008, a expliqué M. Jacques à La Presse. Jean-Yves Duthel m'a appelé pour me dire que le budget de la Fête des aînés était défoncé et qu'il avait besoin de moi pour payer des factures. Il m'a expliqué que le conseil d'arrondissement allait approuver le versement d'une subvention à mon organisme, mais que je devais retourner les fonds à la Fête des aînés en réglant une facture qu'il allait me faire parvenir.»

Le 26 novembre 2008, les élus de Ville-Marie ont approuvé une subvention de 15 000$ à la SPAG pour tenir «une manifestation structurale d'art gigantesque». Un chèque a été émis le 9 janvier 2009 et encaissé par la SPAG une semaine plus tard.

«J'ai reçu une facture en même temps que la subvention de 15 000$, ajoute M. Jacques. Elle était de 11 500$ et provenait d'une compagnie à numéros pour la fourniture de chaises et de tables. J'ai réglé la facture avec la contribution et j'ai retourné le reste, soit 3500$, à l'arrondissement, à l'intention de Jean-Yves Duthel.»

M. Jacques affirme que la manifestation pour laquelle son organisme a reçu une subvention n'a jamais eu lieu.

Informé de la tenue d'une enquête interne par La Presse, Jean-Yves Duthel, qui a longtemps été le bras droit de l'ancien maire de Ville-Marie, Benoit Labonté, s'est dit victime d'une vendetta: «Il s'agit d'une vengeance personnelle, a-t-il déclaré. On tente de ternir ma réputation. Vous savez, René Jacques est un généreux donateur de Vision Montréal et il a souvent assisté à des cocktails pour Benoit Labonté. Je vais me défendre. Oui, j'ai endossé la résolution, mais ce n'est pas moi qui ai décidé de verser une subvention à la SPAG. Ce sont les élus.»

Quand on demande à M. Jacques d'expliquer pourquoi il a accepté de détourner la contribution, il répond qu'il se sentait «redevable» envers Jean-Yves Duthel. «J'avais obtenu une subvention de 150 000$ l'année précédente pour rénover le plafond du bain Mathieu. Cet argent a propulsé notre organisme. Je ne pouvais pas dire non. Et puis il m'a dit que, si je l'aidais, j'obtiendrais ma part de subvention dans le prochain budget.»

À l'arrondissement de Ville-Marie, le directeur, Alain Dufort, n'a pas été en mesure de commenter l'affaire davantage puisque l'enquête n'est pas terminée. Ces nouvelles allégations ont en tout cas rendu le climat très tendu à la direction de l'arrondissement, selon les informations qui circulaient à la fin de la semaine dernière.

Autrefois proche collaborateur du maire démissionnaire de Ville-Marie, Benoit Labonté, Jean-Yves Duthel s'était vu confier l'organisation de la Fête des aînés, le 1er octobre 2008, dans le cadre de la Journée internationale des aînés. La présidence d'honneur avait été assurée par Thérèse Dion, mère de la célèbre chanteuse.