Rien ne va plus dans le chantier de rénovation de l'hôtel de ville, qui faisait déjà l'objet d'une enquête de police en raison de possibles interventions de la mafia. Depuis hier soir, des ouvriers enlèvent les échafaudages qui entourent l'édifice patrimonial. Le propriétaire des armatures et des madriers a décidé de reprendre son matériel, ce qui va créer de nouveaux retards.

C'est avec tristesse que, du trottoir de la rue Notre-Dame, Paul Sauvé, l'entrepreneur qui avait obtenu le contrat de rénovation, regardait les travailleurs arracher les filets et défaire les structures de métal. «J'aurais vraiment aimé faire cet ouvrage, mais on ne m'en a pas donné la possibilité», a-t-il dit.

 

Son entreprise, LM Sauvé, a eu le contrat en mars 2008 parce qu'elle était considérée comme la plus qualifiée. Elle l'a obtenu pour 10,6 millions de dollars même si une autre entreprise offrait de faire le travail pour un peu moins cher.

Ses concurrents ont protesté. M. Sauvé a senti que le contrat lui filait entre les doigts. Il a demandé à un autre entrepreneur d'intervenir en sa faveur. Cet intermédiaire lui a imposé un sous-traitant, qui a fini par avoir la plus grande part du contrat. Puis M. Sauvé a commencé à se faire demander de l'argent.

Ses difficultés financières se sont aggravées. Il a dû se placer sous la protection de la loi sur les faillites. Selon ses allégations, un membre connu de la mafia lui a demandé 40 000$, une somme selon lui destinée à deux élus du parti du maire Gérald Tremblay. En échange de l'argent, M. Sauvé a compris que son entreprise pourrait continuer à travailler sur le chantier et être payée par la Ville chaque mois, même si elle était en situation de faillite.

Il a refusé de payer et a porté plainte à la Sûreté du Québec, qui a ouvert une enquête. L'administration Tremblay réfute catégoriquement ses allégations. Les deux élus en question soutiennent qu'ils n'ont jamais été mêlés à cette affaire. Quoi qu'il en soit, LM Sauvé a été écartée du chantier. Mais ses échafaudages étaient restés en place. Leur valeur se monte à plus de 2 millions de dollars.

La société d'assurances générales L'Unique a repris le chantier. «Nous avons bien tenté de convaincre la société d'assurances et la Ville de nous laisser finir le travail, mais elles n'ont pas voulu», déplore M. Sauvé. Ce dernier a vendu ses échafaudages à un ingénieur qui a déjà travaillé pour lui et avec qui il est en bons termes.

L'ingénieur Noël Matthews a obtenu un jugement qui lui permet de saisir tous les échafaudages, équipements et matériaux qui lui appartiennent sur le chantier de l'hôtel de ville. La saisie, commencée hier soir, durera vraisemblablement toute la semaine.