La reconstruction de l'échangeur Turcot, au sud-ouest de Montréal, coûtera plus cher que le milliard et demi annoncé, et elle sera probablement reportée d'un an en raison des changements que le ministère des Transports devra apporter au projet.

Dans un entretien avec La Presse, hier, la ministre des Transports, Julie Boulet, a affirmé: «On fera tout ce qui est possible pour respecter les délais prévus. On parlait d'une reconstruction entre 2009 et 2016, mais avec les changements à apporter, on ne commencera pas cette année. Moi, ma date butoir, c'est 2017, le plus loin que je peux aller. Il faut reconstruire l'échangeur Turcot.»

 

Cet échangeur est le plus gros carrefour autoroutier de la province. Près de 300 000 automobiles et camions l'empruntent chaque jour. Il relie les autoroutes A-15 (Décarie), A-20 et A-720 (Ville-Marie) entre elles et avec les quartiers du Sud-Ouest qu'il traverse depuis 42 ans.

Devant le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE), en mai et juin derniers, la grande majorité des groupes et des personnes qui ont participé aux consultations ont condamné presque tous les aspects (transports en commun, intégration urbaine, circulation automobile, etc.) du concept soumis par le MTQ pour reconstruire cet échangeur.

Dans son rapport rendu public mardi, le BAPE a recommandé des modifications substantielles au projet, particulièrement sur le plan de l'intégration urbaine dans les secteurs résidentiels de Saint-Henri et Côte-Saint-Paul, où la reconstruction aura le plus d'impacts.

Denis Lévesque, porte-parole de Mobilisation Turcot, coalition d'organismes du Sud-Ouest, a affirmé hier que les recommandations du BAPE représentent «une victoire morale importante» pour la population qui vit à proximité de l'échangeur.

«Il a fallu travailler fort pour convaincre les gens de se présenter en grand nombre aux audiences publiques, dit M. Lévesque. Les gens ne nous croyaient pas quand on leur disait que ça pouvait faire une différence. Ils sont allés dire au BAPE ce qu'ils ressentaient, ce que ce projet allait changer à leurs vies et à leur quartier. Le rapport montre que le BAPE y a été sensible.»

M. Lévesque a toutefois tenu à relativiser l'importance de cette victoire en soulignant que le BAPE n'a qu'un rôle consultatif et que c'est le gouvernement du Québec qui aura le dernier mot quant à l'avenir du projet Turcot.

À l'inverse, le rapport a eu l'effet d'une douche froide sur l'Association du camionnage du Québec (ACQ), une des rares organisations qui appuyait entièrement le projet du MTQ. La majorité des plus grandes entreprises de camionnage du Québec en sont membres.

En entrevue, hier, le PDG, Marc Cadieux, a estimé que tout retard dans la reconstruction d'une infrastructure aussi stratégique pourrait avoir des impacts économiques désastreux.

«La congestion routière est en train de prendre des proportions énormes à Montréal, assure-t-il. Cela a des impacts évidents sur les transporteurs, bien sûr. Mais au-delà de ça, la congestion a un coût environnemental que tout le monde va assumer si on brûle deux fois trop de carburant dans les embouteillages.»

Montréal dépité

La Ville de Montréal a également accueilli sans enthousiasme le rapport du BAPE, qui a rejeté plusieurs de ses recommandations les plus importantes, notamment en matière de circulation automobile et de transports en commun.

«À la Ville de Montréal, a déclaré hier le responsable du développement durable, Alan DeSousa, nous avons la conviction que la mise en place d'un véritable réseau régional de voies réservées aux transports collectifs sur l'ensemble du réseau métropolitain permettrait d'alléger la circulation dans le complexe Turcot, sans compromettre la fluidité la circulation.»

M. DeSousa a révélé que le maire de Montréal, Gérald Tremblay, et la ministre des Transports, Julie Boulet, ont discuté du dossier hier matin et que les équipes de travail de la Ville et du MTQ se rencontreront prochainement afin de reprendre le dialogue.

Selon M. DeSousa, le Ministère «aurait fait certaines avancées» sur des aspects importants du projet, «mais la question des transports en commun reste entière».