L'administration Tremblay donne les clés de l'hôtel de ville à des firmes extérieures, accuse Réal Ménard, un des principaux candidats de Vision Montréal. Faux, rétorque le président du comité exécutif, Claude Dauphin. Le débat est là, éclipsé par les scandales: la Ville doit-elle confier plus de mandats à ses propres experts ou, au contraire, en confier encore plus à des cabinets de professionnels externes?

M. Ménard ne s'oppose pas à ce que des entreprises privées soient mises à contribution afin de déneiger les rues ou pour d'autres travaux. Mais il ne comprend pas pourquoi la Ville laisse des firmes d'ingénieurs, d'architectes ou d'autres professionnels prendre des décisions stratégiques à sa place.

 

Il cite un exemple récent. Le dernier conseil municipal a attribué un contrat à SNC-Lavalin ProFac pour évaluer l'état des 1550 immeubles de la Ville. Ce seront les ingénieurs de SNC qui établiront les priorités d'entretien. Gros mandat: il faut dépenser un milliard de dollars pour restaurer tous ces immeubles.

«Il me semble que des experts du service des immeubles de la Ville devraient être capables d'accomplir cette tâche névralgique, dit M. Ménard, qui se présente à la mairie de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve pour le parti de Louise Harel. Je constate que bien des priorités ne sont pas déterminées par le personnel de la Ville, mais par des firmes qui, souvent, obtiennent par la suite les contrats des travaux qu'elles ont elles-mêmes suggérés.»

Claude Dauphin, qui se représente à la mairie de Lachine pour le parti de Gérald Tremblay, affirme que son administration a hérité des mauvaises décisions prises par le maire précédent, Pierre Bourque, et qu'elle agit au cas par cas.

«M. Bourque avait démantelé les équipes (d'experts internes), dit-il. Les finances étaient précaires. Nous faisions face à un déficit d'investissement dans les infrastructures. Depuis huit ans, nous avons commencé à rebâtir nos équipes de professionnels, par exemple en surveillance de travaux routiers (50% est fait à l'interne). Nous allons poursuivre dans la même veine dans le prochain mandat. Nous allons rebâtir nos équipes, tout en continuant à travailler avec le privé lorsque c'est plus avantageux pour les Montréalais.»

La vérification des immeubles peut se faire seulement d'avril à la fin d'octobre puisqu'il est difficile d'inspecter les toits et les murs en hiver, poursuit M. Dauphin. «Il est donc plus sensé financièrement de faire appel à des spécialistes externes pour six mois à la fois, plutôt que d'embaucher du personnel spécialisé à l'année, payé pendant 12 mois.»

De son côté, M. Ménard craint que la Ville perde son expertise et devienne dépendante des firmes externes. C'est ce qui s'est produit avec le projet des compteurs d'eau et de l'optimisation du réseau d'eau, souligne-t-il. À la Ville, les responsables étaient incapables de répondre aux questions sur ce projet: tout était dirigé vers la firme BPR.

«Ce n'est pas aux gens du privé à décider de l'ordre d'intervention sur les grands réseaux publics, dit-il. Les élus devraient pouvoir recevoir une information probante et concluante de leurs propres experts. Les fonctionnaires ont pour mandat de travailler pour le bien public. Ils ne travaillent pas pour grossir les honoraires des firmes professionnelles. Les employés de ces firmes sont peut-être honnêtes, mais ils ne se trouvent pas dans la même logique que les fonctionnaires.»

M. Ménard, un ancien député du Bloc québécois, multiplie les exemples. La Ville a attribué un contrat de 30 millions au consortium formé de CIMA" Génivar et Tecsult pour mettre en oeuvre le plan d'intervention pour les réseaux d'eau et d'égouts. «C'est là une mission stratégique qui doit relever directement des élus et des fonctionnaires», dit-il.

Claude Dauphin réplique que la Ville a recours à des firmes extérieures quand il s'agit de répondre à des besoins ponctuels. «C'est le cas pour le dossier de l'inventaire des immeubles et pour la mise aux normes des usines d'eau, dit-il. Il s'agit de contrats de courte durée. C'est agir en bon gestionnaire que d'avoir recours à des expertises extérieures. Sinon, on crée des postes (de fonctionnaires) dont on n'aura pas besoin lorsque le mandat aura été réalisé.»