Il y a quelques mois, Réal Ménard a choisi de quitter la stratosphère fédérale pour le bitume municipal. Il est passé des grands dossiers de société, mission en Afghanistan, adoption d'une loi antigang, à la lutte contre les nids-de-poule et à l'installation de nouvelles poubelles.

Cet atterrissage à l'ordre municipal, choisi et assumé, s'est cependant déroulé de façon chaotique: après avoir longuement discuté avec le parti du maire Tremblay, l'ex-député du Bloc québécois a dû rapidement virer capot pour suivre celle qu'il connaît et admire depuis 30 ans, Louise Harel.

 

M. Ménard reconnaît avoir échangé pendant de longs mois au sujet d'une éventuelle candidature avec Gérald Tremblay. Dans une lettre qu'il avait fait parvenir au printemps au cabinet du maire, Réal Ménard faisait d'ailleurs l'apologie de Gérald Tremblay.

«Ceux qui prétendent que Montréal se caractérise par une relative stagnation depuis 2001 oublient de prendre en compte les 15 000 logements sociaux construits, l'ajout de 200 kilomètres de voies cyclables, la réalisation du Quartier des spectacles, la création du fonds de l'eau...» Et cetera, et cetera: l'énoncé des réalisations se poursuivait sur pas moins de 10 lignes.

Comment peut-il, aujourd'hui, prétendre qu'il faut «redémarrer Montréal», le slogan de Vision Montréal? «Je ne nie pas que j'ai poussé la démarche assez loin avec M. Tremblay. Mais durant ces mois, j'ai beaucoup parlé d'éthique avec le maire. Je lui ai proposé de mettre sur pied un chantier éthique. Il n'a jamais donné suite. Je l'ai senti invertébré, mollusque sur cette question», rétorque Réal Ménard. De plus, ajoute-t-il aujourd'hui, «Gérald Tremblay ne s'est jamais intéressé à l'est de Montréal. On n'a jamais été dans son écran radar».

Controverse ou pas, Réal Ménard fait maintenant partie de l'équipe de son mentor. «Ça aurait été inacceptable pour moi de ne pas être dans l'équipe de Louise Harel. Je n'aurais pas pu me promener dans le quartier et dire: je suis l'adversaire de Louise Harel, dit-il. Je n'avais plus le choix.»

De fait. Au début des années 80, en se présentant dans l'association de comté d'Hochelaga-Maisonneuve du Parti québécois, le jeune militant péquiste est entré dans l'orbite de Louise Harel et n'en est jamais ressorti. En 1993, après quelques années comme attaché politique de Mme Harel, il s'est présenté pour le tout nouveau Bloc québécois, alors dirigé par Lucien Bouchard. Il passera finalement 16 ans sur les banquettes du parlement fédéral. Des années qu'il a adorées, dit-il. Il y a défendu de gros dossiers, dont celui de la justice. Il a milité sans relâche pour l'adoption d'une loi antigang, un combat qui s'est étalé sur des années.

À Ottawa, il s'est buté aux députés du Canada anglais qui ne parlent pas un mot de français. «Au Bloc, dès le premier caucus, M. Bouchard nous avait demandé d'apprendre l'anglais.» Ce qu'il a fait. Sans être parfaitement bilingue, il est très à l'aise dans l'autre langue officielle du Canada. De leur côté, les anglophones de Montréal ont-ils raison d'être heurtés par l'unilinguisme de Louise Harel? «La connaissance de l'anglais ne peut être une condition de qualification pour devenir maire de Montréal. Il n'y a qu'une langue officielle au Québec.» Mais il admet que les difficultés de Louise Harel avec l'anglais «sont certainement de l'ordre du blocage».

En se présentant au municipal, l'ex-député désire s'attaquer à des enjeux qui touchent davantage les gens, réalisables dans un horizon plus court. «Si on décide de faire un anneau de glace au parc Morgan, on le fait tout de suite et ça a un impact sur la qualité de vie des gens», dit-il. S'il est élu, il promet d'ailleurs de doter l'est de la métropole d'un équipement sportif majeur, un projet qui traîne depuis longtemps dans les cartons.

Il veut aussi poursuivre la construction immobilière dans Hochelaga-Maisonneuve, en respectant la règle d'or établie dans le quartier: la mixité sociale. «C'est ce qui nous a permis d'éviter l'embourgeoisement», croit-il. Une partie du quartier sera aussi transformée, si on se fie aux plans du futur Quartier de la vie, près du Stade olympique, où on bâtira un nouveau Planétarium, en plus de verdir le secteur. Réal Ménard reconnaît d'ailleurs que Gérald Tremblay «s'est battu» pour avoir les fonds du provincial et du fédéral destinés à l'érection du nouveau Planétarium.

Mais, dans l'immédiat, la campagne de Réal Ménard se bute à plusieurs obstacles. Le premier: l'élection partielle fédérale qui se déroule en même temps que les municipales, conséquence de son propre départ. Les rues du quartier sont donc constellées d'affiches... des candidats fédéraux. Les candidats municipaux, eux, sont totalement absents des poteaux. Et la situation est particulièrement complexe pour les résidants d'Hochelaga-Maisonneuve: leur ancien député fédéral et leur ancienne députée provinciale sont désormais candidats... au municipal. «Il y a un grand potentiel de confusion», admet-il. D'autant plus que les élections municipales ne suscitent pas beaucoup d'intérêt chez les citoyens. «Il n'y a clairement pas d'engouement. C'est notre défi d'intéresser les gens.»