Une enquête de Radio-Canada corrobore un reportage de La Presse, selon lequel un «club» d'entreprises se partage la majorité des contrats de travaux publics dans le Grand Montréal.

Un ancien ingénieur du ministère des Transports a affirmé à l'émission Enquête que la collusion dans le secteur de la construction est généralisée dans les villes de la région de Montréal. Un entrepreneur en travaux publics lui a confié qu'une douzaine de firmes se consultent pour truquer les appels d'offres et faire gonfler les prix payés par les contribuables.

À la mi-septembre, La Presse a révélé que ce groupe - surnommé «Fab-fourteen» ou «Fabulous-14» - se concerte pour déterminer, à tour de rôle, qui remettra la soumission la plus basse. Et les prix sont toujours plus élevés que les coûts réels.

L'ex-fonctionnaire a été mis au courant du stratagème par un entrepreneur qui lui a prédit, à quelques dollars près, le prix des propositions soumises en réponse à un appel d'offres public. Cette source lui a révélé que les entrepreneurs utilisent un langage codé, calqué sur le vocabulaire du golf pour décider entre eux comment ils vont fixer le prix des contrats.

Les deux candidats de l'opposition qui briguent la mairie de Montréal réclament une enquête publique. Le maire Gérald Tremblay s'est aussi montré ouvert à l'idée.

«C'est une décision du gouvernement du Québec, mais moi je serais favorable que la lumière soit faite le plus rapidement sur toutes ces rumeurs de collusion et de corruption», a-t-il déclaré à Radio-Canada.

Du côté de Laval, le maire Gilles Vaillancourt ne croit pas que des entreprises de la construction s'entendent pour truquer les appels d'offres dans sa ville. Invité à réagir au reportage exposant le truquage des appels d'offres, le maire s'est plutôt dit rassuré que des enquêtes soient en cours.

«Je n'ai aucune information qui m'indique qu'il y a des pratiques semblables à Laval, a-t-il affirmé. Pour le moment, le fait que le gouvernement forme une escouade spéciale et le fait qu'un travail policier sérieux se fait me rassurent.»

À Québec, les partis de l'opposition ont également réclamé une enquête publique sur le milieu de la construction, hier. Le gouvernement Charest refuse d'en déclencher une avant la conclusion des enquêtes policières sur l'affaire.

Pour le porte-parole du Parti québécois en matière de sécurité publique, Bertrand St-Arnaud, le gouvernement invoque de faux prétextes pour empêcher que lumière soit faite.

«La police fait son travail, mais sur des cas individuels, a-t-il affirmé. Elle ne fait pas la lumière sur l'ensemble du système actuel d'octroi de contrats publics de construction. Elle ne s'interroge pas sur la problématique plus large.»

Ni le ministre des Affaire municipales, Laurent Lessard, ni le ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis, n'ont accepté de commenter les reportages de Radio-Canada, hier.

«La porte n'est pas fermée à une enquête publique, mais il faut laisser la police faire son travail avant toute chose», a indiqué le porte-parole du ministre Lessard, Sylvain Bourassa.