Dans quelques années, le visage de l'arrondissement de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce sera transformé. Plus de 3000 logements, en majorité des condos, seront construits dans le secteur Namur-Jean-Talon, un désert semi-industriel qui s'étend entre les rues Jean-Talon et de la Savane. Près de 6000 autres logements sur le terrain abandonné de l'ancien hippodrome Blue Bonnets. Or, la création de cette «mini-ville» suscite un débat dans cet arrondissement où s'affrontent, à l'occasion de la présente campagne, une pléthore de gros noms.

Michael Applebaum et Marvin Rotrand, en poste depuis des décennies, sont des piliers d'Union Montréal. Helen Fotopulos, mairesse déchue du Plateau-Mont-Royal, s'est jointe à leur équipe, dans ce quartier qu'elle habite depuis toujours. Vision Montréal présente dans l'arrondissement ses deux candidats anglophones les plus connus: Brenda Paris, la présidente transfuge d'Union Montréal, d'origine caribéenne, et David Hanna, un urbaniste renommé. Projet Montréal n'est pas en reste: au nombre des ses candidats, on trouve la fille du juge John Gomery, Cymery Gomery, ainsi que Peter McQueen, un écologiste qui était arrivé en deuxième place pour le Parti vert lors des dernières élections provinciales.

 

Michael Applebaum, maire de l'arrondissement depuis huit ans et conseiller municipal depuis 1994, est fier de son bilan: chalets de parcs rénovés, mesures de réduction de la vitesse sur les grandes artères, plan drastique pour préserver la propreté des rues. «On est un arrondissement modèle», résume-t-il. Mais le maire a hâte de s'attaquer à la revitalisation du secteur Namur-Jean-Talon. «Ça va changer complètement, ce secteur-là. On veut prendre un terrain mal utilisé et le transformer pour encourager les gens à rester à Montréal», explique-t-il. La valeur foncière passera de 80 à 800 millions dans ce seul secteur.

Le maire promet que 15% des appartements seront réservés au logement social ou abordable. «C'est une condition que nous posons aux promoteurs», dit-il.

À l'heure actuelle, dans ce quartier, on trouve près de 700 logements, de très mauvaise qualité, sur l'avenue Mountain Sights. À l'issue des cinq phases du projet, on trouvera plusieurs tours de logements et des maisons de ville construites dans un «quartier vert», où les gens seront encouragés à marcher pour se rendre à l'une des deux stations de métro avoisinantes.

Mais le projet de Michael Applebaum suscite un débat. «On va créer une mini-ville. Dans un monde idéal, ce projet est extraordinaire. Mais on ne vit pas dans un monde idéal. Dans les faits, c'est l'embourgeoisement de Côte-des-Neiges qui débute», dit Claude Dagneau, de l'organisme l'OEIL de Côte-des-Neiges, qui se consacre depuis des années à la question du logement. «On partage cette préoccupation. On ne veut pas d'un ghetto de riches face au reste du quartier. Mais on n'est pas alarmistes», dit Mazen Hodeib, du Regroupement des organismes du Montréal ethnique pour le logement, qui croit à la bonne volonté de l'arrondissement dans ce dossier.

Il faut dire que près de 80% des ménages de Côte-des-Neiges, l'arrondissement le plus populeux de Montréal, sont locataires. Ils paient en moyenne 681$ par mois pour leur logement, souvent délabré. De nombreuses familles immigrantes s'établissent dans le quartier pendant quelques années et partent lorsque leur situation se stabilise. Une personne sur deux est née à l'extérieur du Canada et le même pourcentage de résidants vivent sous le seuil de la pauvreté.

«Il faut suivre le dossier Namur-Jean-Talon de très près, croit Brenda Paris, candidate à la mairie pour Vision Montréal. On construit pour les 40, 50 prochaines années. On veut des logements qui répondent aux besoins de la population du quartier. Ce développement doit avoir une cohérence.» Et la promesse de réserver une partie des immeubles au logement social? «Je ne crois pas du tout M. Applebaum», tranche-t-elle.

Mme Paris sait très bien qu'elle aura fort à faire pour défaire Michael Applebaum. «C'est un défi», admet-elle. Ses adversaires accusent Mme Paris, ancienne présidente de leur propre parti, qui habite Saint-Henri, de ne pas avoir de racines dans le quartier. M. Applebaum souligne aussi que Louise Harel est totalement absente des publicités électorales distribuées aux citoyens. «Dans le porte-à-porte, personne ne me parle de Brenda Paris ou de David Hanna. Les gens ne parlent que de Louise Harel», glisse Helen Fotopulos, candidate au poste de conseillère de ville dans le secteur de Notre-Dame-de-Grâce. C'est d'ailleurs à cause de Louise Harel que l'ancienne mairesse du Plateau-Mont-Royal, vivement critiquée, a décidé de se représenter dans NDG. «La recentralisation, moi je dis no way.»

«Beaucoup de gens aiment Mme Harel. Ils connaissent son travail. Certains ont des réticences, c'est vrai. Mais ils veulent surtout un changement de gouvernance. Ils ont l'impression que c'est le statu quo depuis des années dans le quartier», rétorque Mme Paris. Et comment se traduit ce statu quo? La candidate cite la dotation, à son avis inéquitable, de l'arrondissement ainsi que le problème d'insalubrité des logements. «Dans certains endroits, vous savez, c'est vraiment dégueulasse.»