Des dizaines de personnes ont pris part à Hoodstock au parc Aimé-Léonard de Montréal-Nord, samedi, pour souligner le premier anniversaire de la mort de Fredy Villanueva et de l'émeute qui s'en est suivie.

«Ça fait du bien, a confié la soeur de Fredy Villanueva, Patricia, rencontrée sur les lieux avec le reste de la famille. Même après un an, il y a du monde qui nous supportent toujours et qui sont toujours avec nous, alors c'est très rassurant.»Une vingtaine d'artistes participent ce soir à un concert, notamment le chanteur Luck Mervil et un éventail de groupes rap québécois. Les musiciens souhaitent signifier leur appui à la famille Villanueva, et dénoncer la relation tendue entre les jeunes du quartier et les forces de l'ordre.

«Fredy est mort dans des circonstances où il n'aurait jamais dû être tué, a affirmé David Ricardo Osias, alias DVD, membre du groupe G.A. Boyz. Les policiers ont tiré sur un jeune sans défense.»

M. Osias connaissait bien Fredy Villanueva. C'est un proche ami de son frère Dany, celui que les agents Jean-Loup Lapointe et Stéphanie Pilotte ont interpelé lors de l'intervention qui s'est soldée par la mort du jeune homme de 18 ans, le 9 août 2008.

Luck Mervil, lui, se demande si Fredy Villanueva, fils d'immigrants du Honduras, aurait connu le même sort s'il s'était appelé Frédéric Villeneuve. «On devrait se questionner à savoir si la loi est la même pour tout le monde, a-t-il indiqué avant de monter sur scène, si la justice est la même pour tout le monde.»

Des résidants du quartier ont commencé à converger vers le parc en début d'après-midi. Quatre conférences ont abordé les problèmes sociaux qui affligent Montréal-Nord. Des panélistes ont discuté des gangs de rue, des rapports interraciaux et de la difficile relation entre jeunes et policiers.

«C'est pour démontrer que les gens de Montréal-Nord sont capables de s'organiser quelque chose de positif», a résumé l'organisateur de l'événement, Will Prosper, qui est aussi membre de Montréal-Nord Républik.

Présence policière accrue

Le Service de police de la Ville de Montréal n'entendait pas prendre l'événement à la légère. Il a promis d'être bien visible tout au long des activités de commémoration prévues en fin de semaine. Les agents d'ailleurs ont circulé autour du site en petits groupes, à pied, en vélo et à cheval.

«C'est une question de visibilité pour rassurer les personnes qui sont dans le parc et les citoyens qui sont dans le quartier», a indiqué Roger Bélair, commandant du poste de quartier 39.

Mais le contingent policier a irrité certains participants à la soirée. Si bien que la mère de Fredy Villanueva, Lilian, a apostrophé le commandant Bélair en début de soirée.

«À chaque fois que je vous vois, ça me rappelle la mort de mon fils», lui a-t-elle dit par le biais d'un interprète.

Affirmant que la présence policière provoque les jeunes, elle a demandé aux policiers de se faire aussi discrets que possible pendant la soirée et lors de la manifestation qui doit avoir lieu dimanche. Le SPVM a accepté de retirer certains agents du site pour les poster quelques rues plus loin.

Le 9 août 2008, Fredy Villanueva, 18 ans, a été abattu lors d'une intervention policière au parc Henri-Bourassa, situé à quelques kilomètres du parc Aimé-Léonard. Le lendemain, des centaines de résidents de Montréal-Nord ont versé dans la rue pour dénoncer la fusillade. Des casseurs en ont profité pour fracasser des vitrines, incendier des commerces, saccager une caserne de pompiers et échanger des coups de feu avec des policiers.

Près d'un an plus tard, samedi après-midi, les citoyens de Montréal-Nord ont profité d'une journée radieuse au parc Henri-Bourassa. Les courts de tennis étaient pleins. Le théâtre de l'arrestation qui a mis le feu aux poudres, un stationnement entre le parc et un aréna, était presque vide. Sur un arbre situé tout près, des proches de Fredy Villanueva ont accroché sa photo, disposé des fleurs, des chandelles et de petits crucifix au pied d'un arbre.

«Ça fait bizarre de ne plus le voir dans le coin», a confié Habid Ibarra, un bon ami de Fredy Villanueva qui passait près du monument.

Même si l'atmosphère semblait sereine, la tension reste palpable dans le quartier, ont confié des citoyens croisés sur les lieux.

«Il m'arrive encore d'entendre des coups de feu et il continue d'y avoir de la bataille partout, a confié Simon, 20 ans. Je ne pense pas que ça a changé ici. Je pense que ça ne va jamais changer.»

Pour plusieurs, les émeutes qui ont explosé à Montréal-Nord l'an dernier étaient le signe d'un ras-le-bol généralisé des jeunes face à des méthodes policières considérées comme «abusives». Et la vaste majorité des jeunes rencontrés samedi après-midi estiment qu'à cet égard, rien n'a changé.

«Pour les policiers, c'est comme s'ils mettaient dans le même lot les noirs, les latinos, tous ceux qui ne sont pas blancs, a confié un jeune noir qui n'a pas voulu s'identifier. Pour eux, nous sommes tous dans des gangs de rue.»