Le président de la Société de transport de Montréal (STM), Michel Labrecque, a estimé mardi que le projet de reconstruction de l'échangeur Turcot s'inscrit dans «une logique des années 60», et que les propositions de transports collectifs qui y figurent sont «légères», insuffisantes et imprécises.

L'ancien militant et pionnier du réseau cyclable montréalais, propulsé à la présidence de la plus grosse société de transport public du Québec par le maire de Montréal, l'hiver dernier, a réclamé que le projet du ministère des Transports du Québec (MTQ) soit modifié, afin d'«inclure une solution globale de transports collectifs permanente et intégrale, sur l'ensemble de l'axe est-ouest, en lien avec le réseau routier supérieur, soit les autoroutes 10, 15, 20 et 40».

La STM s'aligne ainsi sur la proposition centrale du mémoire de la Ville de Montréal présenté quelques heures plus tôt par le maire Gérald Tremblay devant la commission du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE), qui complète cette semaine ses consultations sur le projet routier de 1,5 milliard du MTQ.

Ce projet prévoit la reconstruction des quatre échangeurs qui composent le complexe Turcot dans le sud-ouest de Montréal, où transitent environ 290 000 véhicules par jour. Le MTQ a greffé à son projet autoroutier la création d'une voie réservée exclusivement aux transports collectifs, dans l'axe de l'autoroute 20, qui s'étendrait de Montréal-Ouest jusqu'aux stations de métro Saint-Henri et Lionel-Groulx, dans le sud-ouest de la ville.

«La STM ne peut pas accepter le projet tel que présenté par le MTQ, a dit M. Labrecque, en conclusion de sa présentation, tard mardi soir devant le BAPE. Les propositions que nous avons, à l'heure actuelle, ne sont pas suffisamment claires et précises pour voir comment nous allons intégrer nos offres de services de transports collectifs».

«Est-ce que ce sont de courts secteurs? De plus longs secteurs? Si on crée, en amont et en aval, des bouchons de circulation, si nos systèmes ne sont pas capables de se déplacer efficacement de l'ouest vers le centre-ville, a-t-il dit, on n'obtiendra pas de gains réels, et on n'opérera pas de transfert modal» entre l'automobile et les transports en commun.

Puis, sortant de son texte, M. Labrecque s'est interrogé à haute voix sur le sérieux des propositions du MTQ en évoquant les années 60 et un film de Denys Arcand des années 70, pour exprimer le désarroi de la STM face au projet conçu par le ministère.

«Je vous dirais, a déclaré le président de la STM à commission du BAPE, qu'on travaille très étroitement avec le ministère des Transports du Québec parce que celui-ci a décidé, de concert avec les municipalités, d'initier un programme d'améliorations des transports collectifs. Je vous dirais que c'est comme la partie gauche - vous savez, des fois on dit que la main droite et la main gauche ne savent pas toujours ce que l'autre est en train de faire?»

«Dans ce cas-ci, ce qui est très particulier, c'est que le MTQ est partenaire avec des sociétés de transports collectifs dans l'amélioration de la qualité de l'offre et des services que nous offrons. Et en même temps, dans ce projet-là, on comprend que la partie droite du cerveau est plutôt dans une logique de planification autoroutière des années 60 - et je vous dirais presque du film Réjeanne Padovani, de Denys Arcand, où Mme Padovani est morte et coulée dans un pilier de l'échangeur Turcot, si vous vous souvenez de la scène finale du film.»

«Donc, on a une difficulté à comprendre que dans ce projet-là l'intégration réelle, concrète, précise et opérationnelle des transports collectifs légers et lourds ne soit pas faite à la hauteur de ce que le ministère est capable de faire.»

Navette ferroviaire et mesures temporaires

En plus de la création d'un réseau métropolitain de voies réservées pour les transports collectifs, déjà réclamé par la Ville de Montréal, la STM demande des améliorations substantielles pour favoriser la circulation de ses autobus, entre le sud-ouest et le centre-ville de Montréal, et la mise en service rapide d'une navette ferroviaire entre l'aéroport Montréal-Trudeau, à Dorval, et le centre-ville de la métropole.

«À l'heure actuelle, il y a des propositions, mais si j'avais à les qualifier, je dirais qu'elles sont «légères», a dit le président de la STM. L'intégration dans la trame autoroutière, comment nos services vont accéder à ce réseau-là, comment ils vont en ressortir? À partir du centre-ville, ou à partir des réseaux locaux? C'est pas très clair.»

«Aujourd'hui, a dit M. Labrecque, avant de se retirer, j'étais sur le réseau cyclable montréalais. Ça débordait de partout. Les axes cyclables étaient pleins, il y avait des cyclistes partout. Il n'y avait aucun BIXI disponible dans aucune des stations. Il y a 30 ans, quand j'ai proposé qu'on fasse un réseau cyclable, qu'on développe la Route Verte, personne n'y croyait.»

«Je suis convaincu qu'à l'heure actuelle, le MTQ est dans une réflexion des années 60. Si nous mettons en place des systèmes de transports efficaces et performants, il va y avoir un transfert modal, et la diminution du nombre des véhicules, dans cet axe-là, va s'opérer.»

Au grand dam du président de la commission, Michel Germain, qui essaie depuis le début des audiences de prévenir de telles manifestations, quelques dizaines de personnes, qui étaient encore sur place, passé 22h30, ont applaudi.