L'ancien président du comité exécutif de la Ville de Montréal, Frank Zampino, a omis de se retirer des assemblées du comité exécutif et du conseil municipal, en novembre 2007, quand la Ville a octroyé le plus important contrat de son histoire, d'une valeur de 356 millions de dollars, à un consortium dirigé notamment par son ami Tony Accurso.

Le chef de l'opposition officielle à Montréal, Benoit Labonté, estime que M. Zampino a commis une erreur en ne déclarant pas son intérêt, à ce moment. Quant au président actuel du comité exécutif, Claude Dauphin, s'il ne veut pas commenter les faits et gestes de son prédécesseur, il aurait en tout cas agi différemment, a-t-il confié.

La Presse a appris que lorsque le comité exécutif de Montréal a recommandé le mercredi 21 novembre 2007 au conseil d'agglomération de donner à GéniEAU le contrat d'installation des compteurs d'eau dans les industries, les commerces et les institutions pour un montant de 356 millions, le président du comité exécutif, Frank Zampino, était présent dans la salle.

Sa fonction de chef de l'exécutif a fait en sorte qu'il s'est trouvé à être celui qui proposait la recommandation. Le procès-verbal certifié de la Ville, signé par M. Zampino et que La Presse a obtenu, ne mentionne pas qu'il s'est retiré de la salle quand la recommandation a été adoptée. S'il l'avait fait, l'information serait consignée.

Selon M. Labonté, M. Zampino aurait dû s'abstenir de prendre part à la séance quand le dossier du contrat des compteurs d'eau a été évoqué. Même si rien dans la loi ne l'y oblige, il aurait pu expliquer à ses collègues que c'était un sujet délicat, que Tony Accurso, dont l'entreprise Simard-Beaudry faisait partie du consortium GéniEAU, était un de ses amis depuis près de 25 ans et que, d'ailleurs, il était allé en vacances avec lui quelques mois plus tôt.

Cinq jours plus tard, le lundi 26 novembre 2007, lorsque le conseil municipal a entériné la décision du comité exécutif, la résolution a également été adoptée en présence de M. Zampino qui l'a même techniquement appuyée, après proposition du conseiller Claude Trudel, tel que l'indique le procès-verbal de l'assemblée.

La Presse a voulu discuter de ce sujet avec M. Zampino vendredi, mais sa porte-parole chez Dessau, Jessie-Kim Malo, a fait savoir qu'il ne voulait plus faire de commentaires.

Selon l'attachée de presse de la ministre des Affaires municipales et des Régions, Louise Quintin, M. Zampino n'a contrevenu à aucun aspect de la loi en agissant comme il l'a fait en novembre 2007 et elle ne voit, jusqu'à preuve du contraire, aucun conflit d'intérêts dans ce dossier. En effet, dit-elle, Frank Zampino n'avait alors aucun «intérêt pécuniaire» dans le consortium qui a obtenu le contrat. Pour le reste, il s'agit d'une question d'éthique et de morale. Et l'éthique, dit Mme Quintin, n'est pas du ressort du Ministère, mais «soumise au verdict populaire».

Par contre, pour le chef de l'opposition à Montréal, Benoit Labonté, l'éthique fait partie intégrante de la vie professionnelle d'un élu ou d'un fonctionnaire et toute cette affaire rend, selon lui, encore plus pertinente la nomination d'un commissaire indépendant à l'éthique relevant directement du conseil municipal.

«Moi, cette histoire me trouble beaucoup, a dit M. Labonté à La Presse. C'est véritablement une question d'éthique. À tout le moins, M. Zampino aurait dû se retirer des discussions tant au comité exécutif qu'au conseil municipal. On se retire de ce genre de discussions pour pas mal moins que ça.»

C'est aussi ce qu'aurait fait l'actuel président du comité exécutif, Claude Dauphin. M. Dauphin ne veut pas commenter le cas de Frank Zampino, mais en pareille situation, il n'aurait pas du tout hésité: «Je suis un politicien d'expérience, dit-il. Si je dois voter sur une question pour laquelle j'ai un intérêt direct ou indirect, je dois en informer le conseil et ensuite me retirer.»

Pour sa part, le maire Gérald Tremblay a fait savoir qu'il ne souhaitait pas se prononcer sur une question «hypothétique».