Plusieurs Montréalais jugent que la Ville de Montréal devrait contribuer davantage et plus énergiquement à son développement économique alors que la crise frappe de plein fouet les projets immobiliers. Dans la même veine, le président de Devimco, Serge Goulet, demande l'aide de la municipalité afin que son projet Griffintown «modèle réduit» voie le jour en 2010. Que Montréal s'inspire de Québec, dit-il. Sinon, il prévient : «Il n'y en aura pas, de projet.»

Griffintown, un projet immobilier de 1,3 milliard amputé de 70% à cause de difficultés de financement, est toujours sur la table, assure M. Goulet en entrevue. «À 400 millions de dollars, c'est toujours un énorme projet pour Montréal», dit-il. Dans la partie située au sud de la rue Wellington, Devimco veut toujours construire des résidences «milieu de gamme», des bureaux et des commerces de proximité « de plus grande superficie que dans la rue Sainte-Catherine». Le projet, résidentiel à 90%, comprendra des logements sociaux et abordables.

Mais sans aide municipale, il abandonnera Griffintown pour se consacrer à l'expansion de son DIX30, à Brossard. Originaire de la Vieille Capitale, il n'hésite pas d'ailleurs à comparer Québec et Montréal en évoquant l'importance qu'a l'intervention d'un maire dans la mise en valeur de sa ville.

«Il faut que la Ville envoie un signal, dit-il. Comme Jean-Paul L'Allier l'a fait à Québec en 1996, quand il a investi 16,5 millions pour créer le parc près du quartier Saint-Roch et réaménager tout un quartier. Montréal doit jouer son rôle de promoteur de premier plan.»

Pour que ce secteur du Sud-Ouest soit bien aménagé, il faut plus que le projet révisé de Devimco, croit Serge Goulet. Il veut que la Ville «rende le secteur attractif et sécuritaire», «le végétalise» et crée un parc linéaire le long du canal de Lachine. Et vite.

«Si la Ville n'intervient pas d'une manière ou d'une autre, rien ne sera terminé avant 2013, dit-il. La Ville a besoin de ces projets-là. Elle doit bouger. On vit une situation économique jamais connue. Il faut battre l'économie. On ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs. Ce que je demande à la Ville, c'est: êtes-vous capable de faire ce que Québec a fait en 1996? Lancez un signal que vous allez résolument mettre en valeur ce secteur-là.»

Ottawa et Québec

Mais la Ville a-t-elle les moyens de vous aider? a demandé La Presse. «Le fédéral a parlé d'investissements dans les infrastructures en période de crise, alors oui, ça prend le fédéral, le provincial et la Ville, répond-il. Mais je ne veux pas d'un système où on attend des signatures à Québec et à Ottawa. Moi, je n'attendrai pas, je serai parti.»

M. Goulet veut aussi que Montréal coordonne la mise en place du tramway en concertation avec les agents économiques à l'oeuvre dans ce secteur, notamment avec la Société du Havre de Montréal, la Société immobilière du Canada (qui aménagera le site de l'ancien centre de tri postal) et la Société du parc Jean-Drapeau. Et il ouvre les bras aux autres promoteurs qui veulent travailler avec lui.

À ceux qui affirment qu'il ne pense qu'à son propre profit, il répond: «J'ai multiplié par cinq la valeur de tous leurs terrains à mes frais. J'ai déjà dépensé 10 millions dans ce projet. J'ai pris des risques. Si je voulais, j'ai un million de pieds carrés à construire le long de l'autoroute 10 et c'est moins risqué...»

En mode panique?

Selon un observateur de la scène économique montréalaise qui souhaite conserver l'anonymat, Serge Goulet est «en mode panique». Pourtant, M. Goulet assure que ses huit partenaires financiers sont toujours avec lui, même s'ils ont demandé et obtenu que Griffintown soit plus modeste et moins risqué.

Serge Goulet a rencontré jeudi le maire d'Anjou, Luis Miranda, aussi responsable du développement économique à la Ville. Cette demande d'aide lui a été transmise. Message reçu, a dit Luis Miranda à La Presse, sans promettre quoi que ce soit.

«La Ville va toujours être un partenaire important de tout projet d'aménagement, dit M. Miranda. On va évaluer ce qu'on peut faire. Mais j'attends de M. Goulet d'autres renseignements. La Ville doit être prudente. Il faut être prêt à changer de direction si la situation économique s'aggrave. Mais on devrait être en mesure de dire très bientôt ce qu'on fera dans ce secteur.»