Le parc d'entreprises de Pointe-Saint-Charles continue de coûter une fortune à Montréal, et la Ville ne sait toujours pas comment décontaminer ce vaste terrain une fois pour toutes. La semaine dernière, le comité exécutif a débloqué 107 000 $ supplémentaires pour capter les substances toxiques qui coulent dans le fleuve, portant ses dépenses à plus de 5 millions depuis que la Ville a acquis le terrain à la fin des années 80.

Ce dernier investissement servira à redéployer un système de flotteurs sur la rive du Saint-Laurent pendant la fonte des glaces. Le dispositif permettra de récupérer des matières toxiques qui coulent dans le fleuve et de les éliminer.

«La Ville de Montréal, par souci de protéger l'environnement, encourra des frais additionnels pour maintenir les estacades et les boudins, de manière à capter au maximum les hydrocarbures, pour minimiser la perturbation», a expliqué le responsable de l'environnement au comité exécutif, Alan DeSousa.

L'emplacement, autrefois appelé Technoparc, a déjà été une vaste gare de triage ferroviaire et il a aussi servi de dépotoir. Il contient entre 4 et 8 millions de litres de diesel, ainsi qu'une à deux tonnes de biphényles polychlorés (BPC). Des traces de ce produit hautement toxique ont été trouvées dans le fleuve à plusieurs kilomètres en aval.

Alan DeSousa estime que Montréal a dépensé entre 5 et 6 millions pour étudier le problème et contrôler les déversements toxiques depuis qu'elle a acquis ces terrains des gouvernements fédéral et provincial.

«On n'a réglé aucun problème, admet-il. On a seulement acquitté nos obligations environnementales avec ce terrain qu'on avait pris de bonne foi, mais qui venait avec de lourdes responsabilités dont la Ville n'avait pas été avertie.»

Une étude de la Commission de coopération environnementale, l'organisme nord-américain de surveillance de l'environnement, a souligné l'an dernier qu'Ottawa savait depuis le début des années 80 que les terrains recelaient des substances toxiques. Montréal a renoncé à toute réclamation auprès des vendeurs lorsqu'elle les a acquis.

La Ville a récemment investi 400 000$ dans un projet pilote pour décontaminer le sol en y plantant des arbres. Elle a commandé l'an dernier une étude de 1,5 million au Centre d'excellence de Montréal en réhabilitation de sites (CEMRS) pour qu'il lui propose des technologies pour restaurer le parc industriel une fois pour toutes. L'organisme doit lui rendre son rapport d'ici la fin du mois.

Alan DeSousa espère que les résultats lui permettront de mettre en branle le projet de 70 millions le plus vite possible afin de profiter des programmes d'infrastructures annoncés dans le budget du gouvernement Harper. «Mais même avec ce rapport, ne vous attendez pas à ce que, du jour au lendemain, on puisse corriger la situation avec une baguette magique, a-t-il indiqué. Ce n'est pas réaliste. Mais au moins, si on a cette solution, ça nous donne espoir qu'on peut adopter des mesures concrètes.»

La Ville accusée d'inaction

Pourtant, le temps presse, dénoncent les écologistes. Le toxicologue Daniel Green, de la Société pour vaincre la pollution, estime que la Ville, par son inaction au fil des ans, est devenue l'un des principaux pollueurs aux BPC du Canada. Il affirme qu'elle s'est traîné les pieds pendant si longtemps qu'il envisage de la traîner en cour.

«On est en train de ramasser notre preuve pour être capables d'intervenir, a-t-il expliqué. On parle à des avocats pour voir quelle pourrait être l'avenue juridique. Parce qu'il est clair que ni le fédéral ni la province ne vont poursuivre la Ville de Montréal.»

Peu importe le résultat de l'étude du CEMRS, la Ville sait déjà comment réhabiliter le sol de l'ex-Technoparc, poursuit M. Green. Selon lui, il faut drainer l'eau souterraine qui coule vers le fleuve, poser un mur souterrain afin d'encercler le site contaminé et empêcher les matériaux toxiques de s'écouler dans le fleuve à l'aide d'un autre mur. Ce n'est qu'une fois ces étapes terminées que la décontamination du site comme telle pourra débuter.

Ce long processus a fait ses preuves ailleurs, soutient Daniel Green, mais la facture sera salée : au moins 100 millions de dollars.