Le responsable des infrastructures de Montréal, Sammy Forcillo, ne croyait certainement pas si bien dire quand il a annoncé vendredi que les ruptures de conduites d'eau se multiplieraient dans les prochains jours sous l'effet du froid. Au moins quatre canalisations ont cédé au cours des dernières heures, ce qui porte le total à plus de 10 depuis jeudi.

Le plus important de ces bris est survenu vers 22h30 samedi, quand un tuyau de 20 cm de diamètre a éclaté rue Adam, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. Les dégâts sont relativement limités, comme dans les autres cas, mais quelques résidants ont vu leur sous-sol inondé. «Ça n'a pas pris une heure qu'il y avait quatre pieds d'eau dans la cave», a raconté hier Sylvio Shaw. De l'eau qui n'avait toujours pas été pompée à midi. «Il faut se dépêcher de l'évacuer avant que ça gèle, sinon les fondations vont en prendre un coup.»

D'autres conduites secondaires -d'une taille de 20 à 25 cm- ont aussi éclaté hier à Pointe-aux-Trembles, Ahuntsic, LaSalle et Verdun ainsi que dans le Vieux-Montréal. Jeudi, c'est le boulevard de la Côte-Vertu qui avait été frappé et, vendredi, la rue Beaudry, dans Centre-Sud. Les secteurs épargnés se font de plus en plus rares. Le réseau craque de partout. Pire, certains bris nécessitent plus d'une intervention. Par exemple, samedi, rue William, dans le secteur de Griffintown, il a fallu creuser d'urgence un trou de quelque 5 m de diamètre pour permettre la réparation d'une conduite. Au moment de rétablir l'eau, hier, les travailleurs ont découvert de nouvelles fuites. La pelle mécanique a repris du service.

La vétusté du réseau explique en partie les bris -la moyenne d'âge des conduites frise les 90 ans dans Ville-Marie-, mais l'hiver malmène aussi des secteurs plus récents. Hier matin, un tuyau de 20 cm a éclaté sous la 44e Avenue, à LaSalle. «Ce n'est pas très vieux ici», a dit le contremaître Sylvain Roy. Le froid, le poids des camions de déneigement et des lacunes au moment de l'installation seraient en cause.

Appel à la patience

Mais le président du syndicat des cols bleus, Michel Parent, accuse la Ville d'être la principale responsable de son malheur. «Pas seulement l'administration Tremblay, mais les autres aussi. Elles ont toutes mal géré le dossier des infrastructures en n'investissant pas assez», a-t-il dit à La Presse hier. Cela, à des fins électoralistes, pour éviter de hausser l'impôt foncier des électeurs. «Mais le fardeau des citoyens augmente par la bande, parce que les bris causés par la négligence finissent par nous coûter très cher.»

Montréal pourrait en effet devoir rembourser les assureurs qui dédommageront les sinistrés -la plupart des contrats couvrent d'emblée les pertes causées par des bris de canalisations. «S'ils jugent que la Ville a été négligente, ils pourraient intenter des recours», a indiqué le porte-parole du Bureau d'assurance du Canada, Alexandre Royer, qui rappelle que des poursuites ont été lancées contre la Ville à la suite des inondations de l'échangeur l'Acadie, en 2005.

De son côté, le responsable du dossier, Sammy Forcillo, a demandé hier à la population de faire preuve de patience. Il faudra attendre 2024 pour que l'objectif qui consiste à remplacer le tiers des 1700 km de canalisations de Montréal soit atteint. D'ici là, Environnement Canada prévoit que le mercure plongera tout près de la barre des -30° jeudi et vendredi. «J'espère que les météorologues se trompent», a glissé M. Forcillo, hier.