Tiraillés entre la colère, le soulagement et l'inquiétude, les locataires du 135, rue Deguire, dans l'arrondissement de Saint-Laurent, ont obtenu le feu vert pour réintégrer leur immeuble, presque six jours après l'effondrement du garage souterrain qui avait forcé leur évacuation et causé la mort d'une personne.

Les autorités et les ingénieurs de la Régie du bâtiment du Québec, de concert avec ceux du propriétaire CAP REIT, ont fait savoir, lundi soir vers 21h30, que l'immeuble était jugé sécuritaire. Les services essentiels comme l'électricité et le chauffage, interrompus depuis quelques jours, ont été remis en marche.Leurs valises sous le bras, plusieurs des 350 sinistrés rentraient au bercail hier matin. Les sentiments étaient partagés chez les locataires interrogés. «On est tous en colère! Je ne veux plus habiter cet immeuble. Ma femme et mes trois enfants ont peur!» a commenté Nachef Souheil, qui avait trouvé refuge chez des amis avec sa famille. «On était cinq dans une petite chambre, personne ne nous tenait au courant. Je devais venir régulièrement ici pour m'informer», a souligné le père de famille.

Pour calmer la grogne des derniers jours, le propriétaire de l'immeuble de 17 étages s'est engagé à ne pas facturer le mois de décembre, en plus de fournir un coupon d'épicerie de 200$ pour remplacer les aliments périssables abandonnés dans les réfrigérateurs. «Un mois ce n'est pas assez, moi je voudrais au minimum trois mois», a résumé M. Souheil.

Plusieurs locataires interrogés abondent dans le même sens. «On a eu beaucoup de problèmes, moi, je veux trois mois de loyer. Ma femme a peur», a souligné Yusef Jadua.

Derrière lui, André Jean avait le visage long. Après avoir passé quelques jours à l'hôtel avec la majorité des sinistrés, il vient de retrouver son logement souillé par un dégât d'eau. «Je suis découragé», a laissé tomber l'homme de 59 ans, qui habite l'immeuble depuis 19 ans. En plus, sa voiture a été écrasée dans l'effondrement.

Il croit aussi que trois mois de loyer serait une compensation honnête. Il ignore s'il va renouveler son bail.

M. Jean aimerait que toute cette affaire se règle à l'amiable. «Le recours collectif n'est pas souhaitable. Ça va prendre 15 ans à se régler et je ne serai plus là», a souligné le locataire.

Dans la foulée des événements, plusieurs locataires disaient vouloir plier bagage.

Mais hier matin, ils étaient quelques-uns à regagner leur appartement avec le sourire aux lèvres. «On était à l'hôtel, on a été bien pris en charge, avec trois repas par jour et des coupons de taxi», a raconté Samir Harfi, qui a décidé de prolonger son bail. «Je serais resté même sans le mois de loyer gratuit», a ajouté le jeune homme, venu retrouver son perroquet, laissé seul dans son logement. «On espère qu'il est vivant», a lancé la conjointe de M. Harfi.

Céline Cloutier et son conjoint estiment aussi qu'un mois de loyer offert et la nourriture constituent un baume raisonnable sur leurs malheurs. «La famille de la personne morte devrait être la seule à avoir une compensation», a souligné Oren Aizenstors.

Le retour à la maison s'est déroulé sous haute surveillance des agents de sécurité engagés par le propriétaire. Ceux-ci avaient eu la consigne de laisser les journalistes sur le trottoir.

Des autobus nolisés ramenaient des locataires à la maison. Ceux-ci avaient reçu la consigne de jeter le contenu de leurs réfrigérateurs à leur arrivée.

Pour l'heure, le coroner poursuit son enquête sur les circonstances entourant la mort de Mahamat Khazali Saleh, 36 ans.

Outre le garage effondré, celui du 155, avenue Deguire, demeure fermé jusqu'à nouvel ordre.