Montréal a été bon pour la famille Catania. La firme Construction Frank Catania, qui a liens controversés avec la Société d'habitation et de développement de Montréal (SHDM), a reçu pour plus de 100 millions de dollars en contrats de la Ville de Montréal depuis l'an 2000.

 C'est ce que révèle un survol des résolutions adoptées par le conseil municipal de Montréal, qui détaillent une trentaine de contrats accordés à la firme fondée en 1987 par Frank Catania. Ce dernier a récemment cédé la direction de la firme de 125 employés à son fils, Paolo.Construction Frank Catania, de Brossard, a conclu avec la SHDM une série d'ententes contestées au sujet du Faubourg Contrecoeur, un complexe d'habitation de 1800 logements dans l'est de Montréal.

Le 10 octobre, jour où La Presse a révélé les conditions de la vente du terrain de 38 hectares à Catania, le directeur de la SHDM, Martial Fillion, a été suspendu. Une enquête des vérificateurs internes de la SHDM cherche à savoir si M. Fillion n'a pas favorisé de façon indue le promoteur Frank Catania dans le projet du Faubourg Contrecoeur.

D'autres enquêtes ont été ouvertes à la Ville de Montréal sur la série de transactions.

En survolant les documents, La Presse a pu compter 98,4 millions de dollars en contrats accordés à Construction Frank Catania depuis le 1er janvier 2002. (Cette date est celle des fusions municipales décrétées par le gouvernement provincial ; le registre des résolutions municipales accordant les contrats de la «nouvelle Ville de Montréal» commence à cette date.)

Mais avant 2002, la firme avait reçu d'autres contrats valant des millions de la part de l'administration municipale de Montréal.

«La Ville de Montréal est un client important, elle doit représenter en moyenne entre 30 % et 35 % de nos revenus annuels», a dit hier André Fortin, vice-président aux finances de Construction Frank Catania. Cette proportion des revenus était à peu près la même dès les années 90, à l'époque où la firme était plus petite et où ses revenus tournaient autour de 5 ou 10 millions par année : «Aujourd'hui, nos revenus annuels dépassent 100 millions», a dit M. Fortin, qui travaille pour la firme depuis 2003.

Gestionnaire de projets

Le travail que Montréal a confié à Catania est varié. La firme a été le plus bas soumissionnaire et a obtenu de nombreux contrats d'infrastructures (réseau d'eau, égouts, asphalte et béton).

Par exemple, la firme a décroché un contrat de 10,3 millions en 2007 et 2008 pour la réfection du boulevard Saint-Laurent entre les rues Sherbrooke et Duluth. L'ouvrage comprenait la chaussée, les trottoirs, une ligne de haute tension, l'éclairage, la signalisation et le mobilier urbain.

Selon M. Fortin, Construction Frank Catania emploie des ingénieurs et trois équipes de construction, mais la firme est essentiellement un gestionnaire de projet qui gère de nombreux sous-traitants spécialisés.

Le contrat controversé de 15,5 millions pour le projet Contrecoeur n'est pas le plus important que la SHDL ait confié à Catania.

La firme a aussi obtenu plusieurs contrats importants sur les diverses usines de traitement d'eau de Montréal. Par exemple, elle s'est vu confier un contrat de 16,2 millions au mois d'avril dernier pour la construction d'un nouveau réservoir à l'usine d'eau potable de Pierrefonds.

Construction Frank Catania a été le plus bas soumissionnaire parmi les 10 entreprises qui ont répondu à l'appel d'offres. La firme avait proposé un prix de 16,5 millions.

Un cousin Catania

Une autre firme appartenant à un membre de la famille Catania, Les Entreprises Catcan inc., de Saint-Léonard, avait soumis une proposition de 17,8 millions et n'avait pas été retenue.

Curieusement, les deux firmes ont comme président un Paolo Catania, mais il ne s'agit pas du même homme.

«Nous sommes cousins, nos pères étaient frères. Mais les deux compagnies n'ont absolument aucun lien d'affaires. Ça fait longtemps que c'est seulement de la famille», a dit Paolo Catania, le président de Catcan. Les deux cousins ont été baptisés du nom de leur grand-père paternel.

André Fortin, le vice-président de Construction Frank Catania, affirme aussi que les deux firmes sont indépendantes.

Mais Catcan aussi se débrouille très bien avec les contrats de la Ville de Montréal. Les résolutions adoptées par divers arrondissements de Montréal montrent que Catcan a obtenu des dizaines de contrats valant des millions de dollars depuis 2002.