Les policiers, pompiers et cols bleus de Montréal sont dans le même bateau, à l'heure actuelle, pour renouveler leur convention collective. Impasse ou lenteur sont les mots qui reviennent le plus souvent dans la bouche des trois grands dirigeants syndicaux, qui ont accepté d'en discuter avec La Presse.

Dans les trois cas, la lutte s'articule autour des hausses salariales offertes par la Ville de Montréal, jugées insuffisantes, voire ridicules.

 

Michel Parent, président du puissant syndicat des cols bleus de Montréal, est le seul des trois leaders à ne pas avoir rompu le dialogue avec l'administration municipale. Mais le fil est mince. À l'instar des policiers et des pompiers, il affirme que ses 6500 membres ne veulent pas d'une hausse salariale de 0% la première année et de 2% les trois années subséquentes. C'est nettement insuffisant pour faire face à la hausse du coût de la vie, résume-t-il.

«Il faudrait une moyenne de 3,8% à 4%, tranche Michel Parent. Je ne sais pas ce qui se passe au Québec, mais on dirait qu'il y a une stratégie commune entre les villes concernant les salaires et les négociations.»

En plus de négocier des contrats de travail individuels avec les 19 arrondissements et les villes défusionnées de Montréal, Michel Parent rencontre trois fois par semaine la direction de l'administration Tremblay pour renouveler la convention des cols bleus, échue depuis août 2007. Il reste aussi tout le dossier de l'harmonisation des 12 caisses de retraite de l'ancienne ville, à réunir en une seule. Un casse-tête technique.

«On a quand même réglé six accréditations et trois autres certificats sont sur le point d'être signés. Ce sont des gains. Tout peut débouler et se régler en quelques mois, estime M. Parent, mais l'inverse peut aussi se produire et on peut se retrouver dans la même situation que les policiers et les pompiers, à exercer des moyens de pression.»

Moyens de pression, phase deux

Ils sont moins visibles que les policiers à cause de leurs habits de combat, mais tout comme les policiers, les pompiers de Montréal continuent de porter le jean ou le pantalon de camouflage depuis le début de leurs moyens de pression, en mai 2007. Ils arborent également un t-shirt rouge... pompier.

Les présidents des deux syndicats estiment, à la lumière du calendrier des séances d'arbitrage qui se déroulent au compte-gouttes, souvent à raison d'une séance par mois, que la convention ne sera probablement pas renouvelée avant la fin de 2009, voire en 2010. Ce qui signifie que, une fois qu'elle sera signée, il faudra recommencer à négocier.

«Ça n'a pas d'allure, on le sait tous, indique Michel Crevier, de l'Association des pompiers de Montréal. On n'a rien de signé et nous sommes déjà devant un problème juridique. Nos hommes sont professionnels dans les casernes, mais le moral est bas, c'est certain.»

Tête première dans ce qu'il appelle la «phase deux des moyens de pression», Yves Francoeur, président de la Fraternité des policiers de Montréal, affirme qu'il est devenu difficile de recruter et de garder les policiers qui sortent de l'École nationale de police. Il n'écarte pas la possibilité d'une troisième ou même d'une quatrième phase de moyens de pression. Pour l'heure, les policiers continuent de remettre les contraventions sur papier au lieu de procéder de façon électronique.

«On n'a pas le choix, explique M. Francoeur. C'est regrettable parce que nous avions le meilleur climat de travail. Nous avons une réputation de rigueur. Mais qui voudrait travailler dans une ville où la criminalité est le double de celle d'une petite ville, sans compter la tuerie de Dawson ou les émeutes, avec le même salaire?» demande M. Francoeur.

La Fraternité des policiers de Montréal estime que ses membres se classent actuellement entre le 10 et le 15e rang salarial au Québec et que, avec le cadre financier proposé par la Ville, ils chuteraient au 20e ou même au 25e rang, sur un total de 35. L'aspect salarial ne tient pas compte des budgets de fonctionnement de la police, qui sont amputés de plusieurs millions chaque année depuis deux ans, et probablement de 10 à 15 millions en 2009, selon l'information obtenue.

 

La position de l'administration Tremblay

La proposition salariale de la Ville de Montréal est «ferme» et suit les dispositions du cadre financier adopté par les élus du comité exécutif en décembre 2006. À l'époque, le maire Tremblay avait expliqué qu'un gel des salaires et des dépenses s'imposait pour parvenir à un budget équilibré. Frank Zampino, ancien responsable des finances, avait ajouté que le cadre (0%, 2%, 2%, 2%) paraissait en deçà du marché de l'emploi mais qu'il fallait tenir compte des avantages sociaux ainsi que du temps chômé et payé pour évaluer la rémunération des policiers, des pompiers et des cols bleus. «Nous ne sommes pas fermés à ajouter une cinquième année qui sortirait du cadre financier. Mais à ce moment-ci, je ne peux pas vous dire si ma réponse est oui ou non. On observe comment les négociations et l'arbitrage évoluent, et à quelle vitesse», a déclaré cette semaine à La Presse Jean-Yves Hinse, directeur des relations professionnelles.