Jouer au hockey sur De Bleury. Dîner sur le gazon rue Sainte-Catherine, face au complexe Desjardins. Et, surtout, respirer un air sans monoxyde de carbone en plein centre-ville de Montréal. Ces jolis fantasmes d'écolo sont devenus réalité hier pour les quelque 50 000 piétons qui ont pris possession du quadrilatère qui leur était réservé à l'occasion de la journée En ville sans ma voiture.

«Je marche tous les jours dans le coin pour me rendre au travail, mais là, je vais sûrement avoir un petit pincement au coeur demain: c'est tellement plus le fun de marcher en pleine rue avec tout le monde!» jubilait Angelo Rivet, représentant publicitaire croisé en fin de matinée angle Sainte-Catherine et Jeanne-Mance. À deux pas de là, une demi-douzaine d'enfants de 8 à 10 ans s'étaient emparés de bâtons de hockey et envoyaient à qui mieux mieux une balle orange dans les filets dressés en pleine rue De Bleury. Celui qui offrait ce petit plaisir aux passants, Paul-Antoine Troxler, coordonnateur à l'éco-quartier Peter-McGill, semblait ému.

«On a décidé de faire quelque chose de tout simple, une façon pour les adultes de se rappeler comment ils s'appropriaient la rue en y jouant au hockey. C'est tellement typique à Montréal... même si on voit ça de plus en plus rarement avec la circulation automobile qui augmente.»

Un peu plus à l'ouest, des stands offraient aux curieux la panoplie classique de l'environnementaliste urbain. Après la voiture solaire conçue par des étudiants de l'École polytechnique, on avait droit à des photos de tramways futuristes déjà utilisés dans quelques villes européennes. Au comptoir de la Direction de santé publique, on avait dressé une gigantesque carte de Montréal en bande dessinée où des personnages en rogne pestaient contre la circulation. Une façon de rappeler qu'en cinq ans, de 1998 à 2003, le nombre de piétons blessés est passé de 10 926 à 12 806. «Cinq piétons sont blessés par une automobile chaque jour à Montréal, résume la responsable du stand. Et c'est sans compter tous les autres méfaits, comme la pollution atmosphérique.»

Sous un soleil radieux - comme pour les cinq années précédentes de l'événement, faisait-on remarquer hier à l'AMT -, la ministre des Transports, Julie Boulet, a profité de l'occasion pour annoncer des investissements pour développer les pistes cyclables: 13,4 millions iront à la Route verte dont le réseau, combiné aux autres pistes québécoises, atteindra près de 9000 km en 2020, «l'équivalent du trajet entre la Place des Arts et San Diego, au Chili», a illustré la ministre.

Pour Montréal, on a annoncé le financement de quatre pistes cyclables déjà prévues, dont celle qui longe le boulevard De Maisonneuve, au coût de 10,4 millions répartis entre Québec et Montréal. La nouveauté, c'est que Transport Québec se trouve à financer pour une des premières fois des pistes montréalaises qui ne font pas partie de la Route verte. «Le MTQ sort de la Route verte et ça, c'est une très bonne nouvelle pour les cyclistes en général,» estime Patrick Howe, directeur des relations publiques à Vélo Québec.

Record de fréquentationSelon le rapport préliminaire publié par l'Agence métropolitaine de transport, organisatrice de l'événement, on a fracassé un nouveau record de fréquentation en attirant quelque 50 000 passants entre l'avenue McGill College et la rue Saint-Urbain, de 9h30 à 15h30. Cette sixième journée annuelle a également permis de constater une hausse significative de la clientèle dans le réseau des trains de banlieue. Du côté de la Société de transport de Montréal, on a noté une hausse de 10% de la clientèle hors des heures de pointe dans le métro, essentiellement sur les lignes verte et orange. On a également remarqué une présence plus grande d'usagers qui ont pris le métro avec leur vélo.

Pour la qualité de l'air, on a mesuré une baisse de 70% des oxydes d'azote à l'intérieur du périmètre, comparativement aux secteurs voisins où circulaient les automobiles. Les statistiques plus complètes, incluant les mesures de décibels, seront dévoilées plus tard cette semaine.

La journée En ville sans ma voiture! est célébrée dans plus de 1500 villes du monde, surtout en Europe, où l'idée est née dans les années 90. Elle y est remplacée graduellement par une manifestation plus large, la Semaine de la mobilité.